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CORNEILLE.

Il a cherché, tatonné, il a essayé longtemps et formé peu à peu son instrument. On le voit dans ses premières pièces s’exercer, se faire la main ; il a des inexpériences et des virtuosités qui étonnent[1]. Il fait des études de vocabulaire et de versification. Il n’a pas encore fixé le ton de son style, il lui arrive dans la même œuvre de monter trop haut ou de descendre trop bas[2].

Dans le Cid, plus de maladresses, plus de fantaisies, plus d’inexpériences. L’écrivain fait ce qu’il veut. Mais il n’est pas satisfait, et d’édition en édition il se corrige. Ses pièces (jusqu’à Pertharite) ont passé par trois ou quatre états principaux, qui sont marqués : 1o par les éditions originales ; 2o (pour les premières) par le recueil de 1644 ; 3o par la revision de 1660 ; 4o par les éditions peu différentes de 1668 et de 1682. Les corrections scéniques, qui touchent à la contexture des pièces, sont très rares : il y en a une au début du Cid.

La plupart des corrections regardent le style ou la langue, plus rarement le vers. Quand il retouche le style, presque toujours il améliore, il s’affranchit de la mode, il s’approche peu à peu de l’expression unique qui note la nuance unique du sentiment[3].

Pour la langue, il suit très attentivement l’usage.

  1. Illusion comique, III, 4 ; Suivante, III, 2.
  2. Médée, IV, 1 ; V, 3.
  3. Les exemples prendraient trop de place ; je ne puis les donner ici. Voir le Cid, acte II, sc. 8 ; et Horace, acte II, sc. 5 ; surtout Médée, acte I, sc. 1, v. 11-15 ; dans ce dernier cas, Corneille s’y reprend à trois fois, en 1639, en 1644, en 1660 ; ce n’est qu’un 1660 qu’il atteint l’expression aisée, vive, naturelle de l’idée.