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LANGUE, STYLE, VERS, POÉSIE.

lité : cajoler, tâter, tomber des nues, soûler, brouiller, tout beau, etc. ; appelant les mots techniques à servir dans les sujets spéciaux, termes d’art militaire dans Sertorius, de marine dans le récit du Cid, de théologie dans Polyeucte. Cette langue, riche, touffue, diverse, non réduite encore à un petit nombre de termes nobles et généraux, porte un beau caractère de naturel vigoureux.

En ce qui est proprement le style, deux choses frappent d’abord : la construction logique et les sentences. C’est d’un bout à l’autre un tissu de raisonnement, serré, précis ; tous les rapports sont fortement marqués. Les car, les donc, les si, les mais, tous les procédés que la langue offre pour sertir les idées et les fixer visiblement dans le réseau logique, ressortent dans toutes les parties du dialogue. Tous les héros argumentent, et leur voix appuie sur les liaisons.

César, car ce destin…. (Pompée.)
Cruel, car il est temps…. (Polyeucte.)
Car enfin n’attends pas…. (Cid.)


En second lieu, quoique Corneille ait conseillé de fuir les sentences, et de « préférer toujours l’hypothèse à la thèse », c’est-à-dire l’expression personnelle appropriée à la maxime générale, personne n’a mis plus de sentences, ni de plus belles, dans la tragédie. En un seul passage :

Qui ne craint point la mort ne craint point les menaces.
À qui venge son père il n’est rien impossible.
À vaincre sans péril on triomphe sans gloire, etc.

Mais par là précisément se révèle la parfaite convenance de la forme au fond. Ces héros de la volonté