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CORNEILLE.

l’expression ne suffirait pas à trahir l’auteur derrière le personnage.

Le lyrisme qu’on peut chercher dans Corneille est relatif encore à la personne de ses héros. Les présente-t-il dans des états de sentiments dont l’expression naturelle et achevée soit la poésie lyrique ? On pourrait aisément trouver des traces de ce lyrisme dans les premières tragédies, et le début boursouflé du monologue d’Émilie, les stances d’Égée, de Rodrigue, de l’Infante, de Polyeucte, d’Héraclius ont le caractère d’épanchements tumultueux ou harmonieux de la sensibilité intime. Mais il faut bien démêler que, Corneille, subissant malgré lui l’influence de la tragédie lyrique qu’il achevait de détruire, a écrit dans ses premières pièces plusieurs morceaux, des monologues surtout, dans le style richement figuré qu’on appelait alors lyrique ; il a, sur l’exemple de ses prédécesseurs, fait chanter à ses acteurs des airs de bravoure qui sont des formes dégénérées du lyrisme. Ce sont, comme les songes, des survivances de la période précédente. Mais très vite il a tourné ces ornements en pièces nécessaires, il les a réduits à son système ; et les stances de Rodrigue sont la délibération et la préparation de l’action qui va suivre.

Il est plus intéressant de remarquer que de la psychologie même de Corneille sort un nouveau lyrisme. Je l’ai remarqué déjà, quand l’énergie de la volonté dépasse l’acte qui se présente, ou tout acte possible, ou encore quand elle ne trouve pas d’acte où s’exprimer, elle s’affirme avec exaltation : n’ayant plus où se réaliser pleinement, elle se chante. C’est