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LANGUE, STYLE, VERS, POÉSIE.

parnassiens l’ont confirmé, la poésie est nature ou passion, expansion ou peinture, projection émue du moi intime, ou réflexion artistique des choses du dehors ; lyrique, elle est le son d’une âme ; pittoresque, elle est l’image du monde. Quelle place Corneille peut-il faire au lyrisme, au pittoresque ? Quelle parenté peut-il avoir avec Lamartine ou Gautier ?

Pourtant, si l’on veut, Corneille est un grand poète, s’il y a poésie où il y a création, reprise des éléments naturels pour organiser des êtres qui ne sont pas dans la nature. Il est poète comme Rabelais, comme Molière, comme Balzac, comme tous ceux qui ont mis des âmes vivantes dans des formes précises, et qui ont rendu la vie en dépassant la vie. Mais cette poésie-là est dans la conception, dans la signification des œuvres : elle n’implique pas nécessairement la poésie du style, et c’est de celle-ci qu’on peut dire que si elle n’est pas dans les sentiments et dans les images, elle n’est pas.

Voyons donc ce que les discours de Corneille contiennent d’effusion lyrique ou d’expression sensible.

Le lyrisme qu’on peut y chercher tout d’abord n’est pas assurément le lyrisme personnel, exprimant l’auteur même en son intime humanité. Il n’y a rien dans aucune pièce où l’on puisse dire que Corneille se découvre. À peine, avertis par quelques anecdotes et par quelques poésies diverses, surprenons-nous dans l’accent profond des Sertorius ou des Martian un regret mélancolique de Corneille, capable d’aimer encore après qu’il a dépassé l’âge d’aimer, triste d’avoir le cœur jeune avec des cheveux blancs. Mais c’est la biographie qui nous guide :