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LANGUE, STYLE, VERS, POÉSIE.

magnificence colorée de certains psaumes ou la fantaisie décorative de Santeul : c’était Santeul qui en vers latins disait aux adversaires de la mythologie :

Moi si je peins jamais Saint-Germain ou Versailles,
Les nymphes, malgré vous, danseront tout autour ;
Cent demi-dieux follets leur parleront d’amour ;
Du satyre caché les brusques échappées
Dans les bras des Sylvains feront fuir les napées,
Et si je fais ballet pour l’un de ces beaux lieux,
J’y ferai, malgré vous, trépigner tous les dieux.


De lui-même, Corneille n’eût jamais senti le besoin de faire ces vers dignes de La Fontaine. Il n’aimait pas les narrations ornées, quoiqu’il en ait fait plusieurs de très belles. Il est remarquable qu’il a pu écrire un Œdipe sans être sollicité par la poésie de Sophocle à charger son expression abstraite d’un peu de vivante nature. La mythologie ne lui dit rien : ce sont des faits. Il en parle pour fonder des raisons, non en vue d’exciter les imaginations. Il dira :

Quand vous avez défait le Minotaure en Crète,
Quand vous avez puni Damaste et Périphète,
Sinnis, Phœa, Sciron….

Regardez maintenant les vers de Racine, et quelle vision y passe des exploits de Thésée :

Les monstres étouffés et les brigands punis,
Procruste, Cercyon, et Sciron, et Sinnis,
Et les os dispersés du géant d’Épidaure,
Et la Crète fumant du sang du Minotaure….


C’est la même idée, mais quelle différence de couleur !

Cette insouciance de peindre, il la porte dans les images dont il use. Il s’interdit, par un scrupule