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CORNEILLE.

d’artiste, pour la vérité, les expressions qui sentent le poète et le trahissent, les allégories, les comparaisons. Des métaphores, il a effacé le plus qu’il a pu la valeur pittoresque, ou du moins il n’a jamais cherché à la mettre en lumière. Dans la poésie de notre temps, la métaphore est vision d’un objet, en même temps que signe d’une idée : objet et idée sont présentés simultanément par elle.

Cette faucille d’or dans le champ des étoiles (la lune).
Les canons monstrueux sur la porte accroupis.
Et (la terre) frileuse se chauffe au soleil éternel.


Toute métaphore est mauvaise qui ne suggère pas dans l’esprit le tableau dont on l’extrait. Corneille ne l’entend pas ainsi. La métaphore est pour lui surtout un renforcement de l’expression, un raccourci brusque ou un signe extraordinaire qui ébranle l’esprit plus puissamment que le terme simple. Il ne présente pas une duplicité d’objets, mais accroît l’intensité de l’idée unique.

Du timon qu’il embrasse il se fait le seul guide. (Othon.)
Le sucre empoisonné que sèment vos paroles. (Polyeucte.)
Songe aux fleuves de sang où ton bras s’est baigné. (Cinna.)
Nous serons les miroirs d’une vertu bien rare. (Horace.)


Dans toutes ces expressions, la vision est impossible ou serait ridicule. Il n’y a que des signes qui font concevoir, sans peindre.

Aussi, en vrai disciple de Malherbe, il préfère à la métaphore la figure qui n’est pas image, métonymie, synecdoche, antonomase, tous ces procédés par lesquels, en vertu d’une convention tacite ou d’une