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LA VIE ET L’HOMME.

supportable des dernières œuvres, et, quand le Cid fit courir tout Paris, les lettres d’anoblissement étaient prêtes : il n’y avait pas moyen de les révoquer.

Je ne sais si Corneille se sentit très fier d’être noble : il eut grand soin de se parer en toute occasion convenable du titre d’écuyer auquel il avait maintenant droit. Il défendit sa noblesse quand elle fut menacée : en 1664, un édit ayant révoqué toutes les lettres d’anoblissement données en Normandie depuis 1630, il adressa un sonnet au roi et finit par obtenir, avec son frère Thomas, en 1669, la confirmation de leur noblesse. Quoi qu’il en ait dit dans son sonnet, ce n’était pas pour ses vers que le grand Corneille craignait de retomber en roture, c’était d’abord pour sa bourse. Il appréciait fort les avantages financiers de la noblesse, si j’en juge par l’énergie qu’il mit, en 1643, à réclamer l’exemption d’une taxe nouvellement imposée « sur les boissons et denrées entrant en la ville de Rouen ». Pierre Corneille, écuyer, malgré qu’il en eût, paya l’octroi comme un bourgeois.

Après la mort de son père, et après Cinna, à la fin de 1640, Corneille se maria : il était l’aîné, le chef désormais de la famille ; il ne devait pas laisser le nom s’éteindre. Je ne sais ce qu’il faut croire de l’anecdote rapportée par Fontenelle : la tristesse du poète amoureux à qui un père avare refusait sa fille, l’intervention de Richelieu mandant ce père à Paris pour lui dire l’intérêt qu’il prenait au bonheur de l’écrivain. Fontenelle même ne garantit pas la vérité de son récit qui a bien l’air d’une