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CORNEILLE.

légende. Il n’y a d’assuré là dedans que le mariage du poète avec Marie de Lampérière, fille du « lieutenant particulier civil et criminel du bailli de Gisors au siège d’Andely ». C’est toujours, on le voit, le même monde de petite robe, de bourgeois de province s’acheminant peu à peu par les magistratures locales à faire souche de noblesse. La famille était honorable, avait du bien : le parti était raisonnable. Corneille eut de ce mariage six enfants : Marie, née en 1642, mariée deux fois, et par son second mariage, trisaïeule de Charlotte Corday ; Pierre, né en 1643, qui fut capitaine de cavalerie et gentilhomme ordinaire de la chambre du roi ; un autre fils, qui fut tué en 1674 étant lieutenant de cavalerie ; Thomas, qui fut abbé d’Aiguesvives ; Marguerite, la dominicaine, enfin Charles, qui mourut à treize ans en 1665, chez les Jésuites.

La vie du poète s’écoulait, bourgeoise et paisible, sans événements, coupée de séjours à Paris, pendant lesquels il traitait avec les comédiens ou visitait quelques hommes de lettres, Boisrobert, Chapelain, Pellisson, l’abbé de Pure. Il parut quelquefois à l’hôtel de Rambouillet ; il fit des vers pour la Guirlande de Julie, la Tulipe, la Fleur d’orange, l’Immortelle blanche. Il lut chez la Marquise son Polyeucte, où la dévotion ennuya ces gens du monde. Rien, en tout cela, n’indique d’étroites relations, et si Somaize a classé plus tard Corneille parmi les Précieux, c’était l’œuvre et le style, non la personne et les commerces de la vie, qu’il regardait.

Il entra à l’Académie en 1647, après deux échecs : on lui préféra Salomon, un avocat général au Grand