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LE RAPPORT À LA VIE.

Turenne des ennemis du roi. La question débattue par Auguste avec lui-même et avec Livie, c’est la question aiguë en ce temps de soulèvements de grands seigneurs, qui se croient protégés par leur nom contre les suites de leurs actes : c’est Richelieu refusant à Montmorency la grâce de Boutteville, c’est Chapelain expliquant un peu plus tard l’impossibilité de faire grâce à Montmorency lui-même. Les ministres et le public affirment la nécessité des rigueurs : Corneille répond par la toute-puissance de la clémence.

L’accident de Suréna que son roi fait assassiner, c’est Guise aux Etats de Blois, c’est Concini entrant au Louvre ; c’est Wallenstein tué dans sa chambre. C’est, en espèces moins sanglantes, Condé à Vincennes, Retz au château de Nantes ; c’est la chute de Fouquet : meurtre ou prison, c’est le terme commun des sujets qui se font craindre de leurs maîtres.

Le spectateur de Pertharite pouvait-il ne pas songer aux événements récents d’Angleterre ? Nous demeurons, nous, incrédules et froids : en 1652, on se disait que Cromwell n’avait pas été moins embarrassé que Grimoald d’avoir en sa puissance la personne du roi détrôné : qu’il avait souhaité, comme Grimoald, d’en être débarrassé par la fuite ou par un accident plutôt que par un jugement public et une exécution régulière. Moins de quarante ans plus tard, un autre usurpateur, le prince d’Orange, devait répéter plus fidèlement le rôle de Grimoald, et pousser le roi Jacques à une fuite précipitée par laquelle il évitait une grande perplexité, et un rôle odieux.