Page:Lanson - Corneille, 1922.djvu/182

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
178
CORNEILLE.

en est aussi, sauf l’imagination débridée et la maternité intempérante. Dans Mme de La Fayette, le type racinien perce déjà sous l’autre.

Mais quelque intérêt que l’historien des mœurs trouve à interroger la tragédie cornélienne, ce serait peu de chose, si des vérités plus générales et permanentes ne s’y rencontraient. Je ne m’attarderai pas à expliquer ce qu’il y a de réalisme moyen chez Corneille. Ces caractères médiocres, dont on s’est demandé s’ils n’étaient pas des types de comédie et si la tragédie avait droit de les admettre, ces pères égoïstes, ces maris faibles, ces rois intéressés et pusillanimes, Félix, Valens, Prusias, Ptolomée, ces politiques froids, réalistes, interprètes de la raison d’État, sectateurs de l’utilité, et serviteurs des circonstances, ces amoureux qui calculent ce que l’amour rendra à leur fortune, ou qui ouvrent les deux oreilles à l’intérêt contre l’amour : ces demi-passions, ces composés de calcul et de sentiment, de goût et d’intérêt, de raison et de préjugé, ces conduites compliquées et tortueuses où toutes les considérations sociales entrent en compte avec la vraie nature, ces affections modérées nées des rapports sociaux et des liens de famille, ces scènes de ménage qui font tampon entre les explosions de l’héroïsme, ce ton bourgeois qui enveloppe les sentiments extraordinaires, tout cela donne un air de vérité moyenne à beaucoup de parties de la tragédie de Corneille. On en a déjà vu quelque chose quand il a été question de la politique et des passions. On étudierait aisément dans Polyeucte comment la réalité familière des caractères et des scènes de second