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LA VIE ET L’HOMME.

Conseil, puis du Ryer, poète dramatique, peut-être sans cabale, et seulement parce que ceux-ci résidaient à Paris. Corneille fut élu, lorsqu’il eut prévenu la Compagnie qu’il avait arrangé ses affaires pour passer une partie de l’année à Paris. De cet engagement date peut-être la résolution, exécutée trois ans plus tard, de quitter ses offices.

La poésie n’enlevait Corneille à aucune des fonctions de la vie bourgeoise : il n’est poète que dans son œuvre. Il élève sa nombreuse famille ; il dirige son cadet, Thomas, qu’il aime tendrement, en grand frère qui fait la fonction du père. Il a sa charge, qui n’est pas une sinécure. Dans les années où il écrit Pompée, le Menteur et Rodogune, nous voyons l’avocat du roi Pierre Corneille occuper souvent le siège du ministère public devant les tribunaux des eaux et forêts et de l’amirauté. Il veut provoquer une enquête sur une vente de bois dans les forêts d’Arqués et d’Eawy ordonnée par le duc d’Orléans, lieutenant général du royaume. Il réclame une information sur un enfant hambourgeois qui s’est noyé. Dans toute une série d’audiences, du 14 juin au 12 septembre, siégeant jusqu’à trois fois en dix jours, il soutient les armateurs du Havre contre les pilotes de Villequier qui veulent les « obliger d’accepter leurs services, entrant de force dans leurs navires, et les dirigeant malgré eux » ; il fait rejeter la prétention des gens de Villequier, auxquels se sont joints en vain les pilotes de Quillebœuf. On entrevoit dans ces trop rares renseignements une physionomie de magistrat provincial, actif et paisible, point surchargé, mais point inoccupé non