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Page:Lanson - Corneille, 1922.djvu/194

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CORNEILLE.

rament individuel, politique, héroïsme, parti pris psychologique.

Mais cela même, à l’occasion et par intermittences, retrouvera son influence : comme il sera difficile aux médiocres connaisseurs du cœur humain de suivre Racine et de trouver assez d’étoffe dans la passion de l’amour pour les cinq actes tragiques, on ressaisira la matière du vieux Corneille, sa politique, ses intrigues de cour, ses conspirations de palais : on remettra en activité ses machiavéliques ambitieux, et ses mutins déchaînés dans la coulisse qui servent le dénouement à l’heure dite, après la chasse bien menée. De ce qui était image d’une réalité actuelle, effet d’une curiosité psychologique, on fera de simples ficelles, des machines théâtrales. Ainsi on doit à Corneille un de ces poncifs qui nous font haïr la tragédie pseudo-classique : c’est le malheur de tous les inventeurs littéraires.

Que ne saura-t-on tourner en poncif ? toute la psychologie du bonhomme y passe. Nous reverrons cent fois les fières princesses, à qui leur gloire interdit d’écouter leur cœur, les scélérats réfléchis, qui professent qu’on doit commettre tous les crimes pour régner, les généreux déterminés, qui donnent leur bonheur ou leur vie comme on donne deux sous à un pauvre, mécaniquement. C’est là la détestable postérité des Viriate, des Cléopâtre, des Nicomède : de creux et froids moulages de corps ardents et solides.

Des situations originales où Corneille éprouve les âmes héroïques, on fera des moyens usuels de serrer l’intrigue, et comme les vêtements tout faits de la tragédie.