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LA VIE ET L’HOMME.

la simplicité de son style, ferme la porte aux plus beaux ornements de la poésie, et, bien loin d’augmenter ma réputation, semble sacrifier à la gloire du souverain auteur tout ce que j’en ai pu acquérir en ce genre. »

Par mortification donc, et pour offrir à Dieu son talent, Corneille donna en 1651 les vingt premiers chapitres du premier livre de l’Imitation. Survint la chute de Pertharite, qui le dégoûta du théâtre. Il s’appliqua alors tout entier à sa traduction qui fut complète en 1656. Dieu ne fut pas ingrat, comme il l’a noté lui-même, et lui fit gagner plus d’argent par ce pieux travail que par aucune de ses tragédies. Plus tard, un pareil souci de piété lui fit traduite le poème des Louanges de la Sainte Vierge, attribué à saint Bonaventure (1665) ; enfin, en 1670, il fit paraître a l’Office de la Sainte Vierge, traduit en français, tant en vers qu’en prose, avec les sept psaumes pénitentiaires, les vêpres et complies du dimanche, et tous les Hymnes du bréviaire romain ». Corneille n’a presque point laissé de poésies intimes et personnelles : ce qu’il a fait de vers, en dehors du théâtre, est presque toujours traduit ; et avec quelques pièces de louanges officielles pour le roi, ce sont surtout des poésies sacrées et pieuses. C’est le travail d’un versificateur dévot, que ne tourmente point l’inquiétude expansive de la faculté lyrique.

Comme il venait de terminer son édifiante version de l’Imitation, le théâtre le reprit. Il relisait ses pièces pour préparer l’édition qui parut en 1660 ; il les examinait, réfléchissait sur son art, en discutait les règles et jugeait sa pratique dans des Discours et des Examens. Ce glorieux passé qu’il remuait le pré-