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CORNEILLE.

rateurs et moucheurs de chandelles, étaient maintenant nommés sur l’affiche : c’était la gloire, si ce n’était pas encore la fortune.

Longtemps Hardy avait été le seul fournisseur du théâtre : parmi ses sept ou huit cents pièces s’étaient glissés le Pyrame de Théophile, l’Arthénice de Racan ; puis M. Mairet était venu, et, aux environs de 1630, toute une portée de poètes avait éclos : en deux années, MM. Rotrou, de Scudéry, Corneille, du Ryer avaient fait leurs débuts. Quelques mois avant le Cid, M. Tristan s’était fait connaître par un éclatant succès.

Les comédies étaient rares encore, la tragédie ne venait que de renaître. La tragi-comédie, depuis le commencement du siècle, occupait la scène en souveraine et semblait devoir remplacer les deux genres que l’antiquité avait connus. À côté d’elle, seule la pastorale se maintenait, déclinante déjà.

Il faut voir quelles réalités se couvraient de ces qualifications de genres. Qu’était-ce qu’une tragi-comédie ?

Une clairière où des cavaliers croisent l’épée, un jardin où des dames cueillent des fleurs, près d’une fontaine, en disant des galanteries délicates ; une maîtresse délaissée qui condamne tous les prétendants de sa fille à lui apporter la tête de son infidèle ; un amoureux s’habillant en fille pour s’approcher d’une incomparable demoiselle dont il a par hasard vu un portrait, puis sans quitter sa jupe se battant en duel contre un prince errant qui s’en allait par le monde défier aucune beauté d’égaler sa dame ; des idolâtries effrénées, des pâmoisons soudaines, des