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LES ÉCRITS THÉORIQUES DE CORNEILLE.

forme de critique qui satisfît son exigeant protecteur. C’est une histoire trop connue pour y insister, et où l’on ne trouve presque rien de vraiment intéressant.

Scudéry soutenait dans ses Observations sur le Cid « que le sujet n’en vaut rien du tout ; qu’il choque les principales règles du poème dramatique (et celle surtout de la vraisemblance) ; qu’il manque de jugement en sa conduite ; qu’il a beaucoup de méchants vers ; que presque tout ce qu’il a de beautés sont dérobées ; et qu’ainsi l’estime qu’on en fait est injuste ». Chapelain, à qui l’on doit la rédaction définitive des Sentiments de l’Académie, n’admit point que le sujet ne valait rien du tout pour la raison que Scudéry disait, mais il jugea tout de même qu’il se pouvait dire mauvais pour une autre raison. Il n’y trouva ni bienséances ni vraisemblances. Il condamna comme inacceptable et scandaleux le dénouement où une fille épouse le meurtrier de son père, et regretta que Corneille n’eût pas feint que le comte n’était pas mort de ses blessures, ou que Chimène se trouvait n’être pas la fille du comte. Il trouva que de traiter Chimène d’impudique et de parricide était excessif, mais que pourtant « son sexe l’obligeait à une sévérité plus grande ». Il prononça que « le théâtre était mal entendu en ce poème » et que l’auteur s’était mal tiré de l’unité de lieu comme de l’unité de jour. Il reprit beaucoup de mauvais vers et de façons de parler impures. Il accorda que Corneille avait bien rendu les beautés de l’original : mais il conclut qu’il avait mal choisi son modèle, et que « lorsqu’on choisit une servitude, on doit au