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CORNEILLE.

sujet presque irréductible au type classique que je viens de définir. Le tableau pathétique s’y développe au détriment du problème moral, et l’on a peine à déterminer quel est le fait en vue duquel doit s’organiser le jeu des volontés. Cinna, Polyeucte, Nicomède, Heraclius, Théodore, Sertorius, Othon, sont des pièces construites sur des données extraites directement de l’histoire, et constituent comme des découvertes de sources tragiques.

Dans l’histoire, c’est l’histoire romaine qui a retenu le plus souvent Corneille, et son théâtre est une magnifique illustration des grandes époques de Rome. Voici le temps des rois, dans Horace ; la conquête du monde, dans Sophonisbe et dans Nicomède ; les guerres civiles, dans Sertorius et dans Pompée. L’empire s’affermit dans Cinna ; Othon, Tite et Bérénice nous ouvrent la cour impériale ; dans Polyeucte et Théodore apparaît le conflit du christianisme et de l’État romain, Pulchérie et Heraclius nous conduisent jusqu’au bas Empire. Attila présente les barbares. Un reflet de Rome, de Rome vaincue et humiliée, éclaire encore Suréna.

La Grèce n’a que trois pièces (si je ne compte pas les pièces à machines) : Médée, Œdipe, Agésilas. Rodogune est grecque encore : la scène est dans la Syrie hellénisée des successeurs d’Alexandre. Pertharite nous introduit chez les Lombards ; le Cid et Don Sanche nous montrent l’Espagne. Tous les chefs-d’œuvre sont romains, sauf le Cid et Rodogune. Avec la préférence pour Rome, éclate l’aversion de la mythologie, où Racine devait si souvent chercher ses sujets.