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le roman romantique.

angoisses et les luttes d’une âme qui s’affranchit et s’épure : Jean Valjean, depuis sa rencontre avec l’évêque, jusqu’au moment où il s’immole pour empêcher un innocent d’être sacrifié, Jean Valjean est un beau caractère idéalisé, qui reste vivant et vrai.

Autour de lui, le poète a groupé une innombrable foule de figures poétiques ou pittoresques, angéliques ou grimaçantes, amusantes ou horribles : la psychologie est courte, souvent nulle ; mais ici encore les profils sont puissamment dessinés, les costumes curieusement coloriés. Comme dans Notre-Dame de Paris, les tableaux d’ensemble sont supérieurs à la description des individus : si les amours de Marius et Cosette sont de la plus fade et banale élégie, l’insurrection fournit une large narration épique. Par malheur, le symbolisme prétentieux de l’œuvre y répand souvent une fade ou puérile irréalité. Les individualités s’évanouissent dans l’insubstantielle abstraction des types, et Enjolras, l’idéal insurgé, Javert, l’idéal policier, Jean Valjean, l’idéal racheté, dégradent la pathétique peinture de la barricade.


2. ROMAN LYRIQUE. GEORGE SAND.


Le romantisme lyrique, considéré comme l’expansion d’une sentimentalité effrénée et de tous ces états extrêmes dont Chateaubriand et Byron donnèrent les modèles, s’exprima surtout dans le roman par George Sand[1].

Aurore Dupin commence à écrire vers 1831, lorsque, séparée de son mari, elle doit se procurer des ressources pour vivre. Elle rend vite célèbre son pseudonyme de George Sand : Indiana parait en 1832 et Lélia en 1833. Dès lors, elle ne s’arrête plus : chaque année, pendant quarante ans, elle donne un ou deux romans, des nouvelles, des récits biographiques ou critiques. Sa

  1. Biographie : Aurore Dupin, arrière-petite-fille du maréchal de Saxe, née en 1804, est élevée en Berry, puis au couvent des Anglaises, d’où elle revient à Nohant, déjà mélancolique, dégoûtée de la vie, au point qu’elle a des velléités de suicide. Mariée à M. Dudevant, elle s’en sépare, ayant deux enfants. En 1831, elle vient vivre à Paris (cf. p. 961, n. 1). En 1839, elle se fixe à Nohant, d’où elle ne sortira plus guère que pour quelques voyages. Ceux qui l’y ont vue la peignent hospitalière mais peu démonstrative, point bavarde, nonchalante, écoutant et comme ruminant ce qu’on dit, jardinant avec plaisir, et dirigeant avec passion son théâtre de marionnettes. Elle mourut en 1876. — Éditions : Romans et nouvelles, Calmann Lévy, 84 vol. in-18. Mémoires, souvenirs, impressions, voyages (Histoire de ma vie, 1855, etc.), 8 vol. in-18. Théâtre, 4 vol. in-18. Théâtre de Nohant, 1 vol. in-18. Correspondance, 1882-84, 6 vol. in-18. — À consulter : Caro, George Sand (coll. des Gr. Écr. fr.), 1887, E. Faguet, xixe siècle. H. Amie, Mes souvenirs, 1893. P. Mariéton, G. Sand et A. de Musset, Paris, 1897. S. Rocheblave, Lettres de G. Sand à Musset et à Sainte-Beuve, Paris, 1897, in-18 ; G. Sand et sa fille, 1906. in-16, W. Karénine, G. Sand. 1899-1901. 3 vol Doumic, G. Sand, 1909.