CHAPITRE II
LA CRITIQUE
La critique, dans la seconde moitié du xixe siècle, a exercé une très forte action sur la création littéraire. C’est qu’elle n’offrait plus aux écrivains un idéal absolu, un « canon » de beauté, sur lequel ils devaient « patronner » leurs œuvres : elle était comme le canal qui amenait en leur conscience les résultats, les hypothèses ou les méthodes de l’histoire, de la philosophie, de la science. La direction de l’esprit public n’appartenait plus à la littérature, qui demandait à la critique les moyens de se mettre en harmonie avec les besoins nouveaux des intelligences.
La première partie du siècle appartient à Villemain[1], qui met à l’épreuve les idées de Mme de Staël, et aux théoriciens du romantisme, qui, plus ou moins confusément, expliquent ou justifient la révolution accomplie dans les œuvres. Le plus avisé, le plus fin de ces apologistes fut Sainte-Beuve, qui, comme je l’ai dit plus haut, joua aux classiques le bon tour de leur escamoter la poésie du xvie siècle qu’ils avaient eu le tort d’oublier, pour la donner aux romantiques désireux de se créer une tradition et des ancêtres. C’est Sainte-Beuve que nous retrouvons, d’abord,
- ↑ Cf. p.926.