M. Brunetière, dont la sévère méthode, le rigoureux enchaînement de doctrine ont fortement saisi le public : sans nulle concession à la frivolité des auditeurs, il les gagne par l’ardente conviction que son action, sa voix, toute sa personne dégagent.
À l’éloquence universitaire doit s’annexer une autre forme de la parole publique qui s’est développée surtout depuis vingt-cinq ans. Je veux parler de la conférence. Littéraires, politiques, économiques, scientifiques, anecdotiques, humoristiques, quelles conférences n’a-t-on pas eues depuis 1870 ? Tout le monde s’y est mis : avocats, professeurs, députés, comédiens, femmes. Et chaque conférencier y a porté la distinction ou la médiocrité qui lui appartenait dans l’exercice de ses fonctions ordinaires. Je ne vois qu’un homme à signaler, qui vraiment a fait de la conférence autre chose qu’un discours ou une lecture, et s’y est créé une forme originale de parole. C’est M. Sarcey[1]. Comment définir ses conférences ? Est-ce de l’éloquence ? est-ce du théâtre ? Je ne sais trop. Ne pourrait-on pas dire qu’il a inventé une variété de monologue, le monologue à sujet littéraire, joué par l’auteur ? Il est certain que ni les idées — et il y en a beaucoup — ni l’esprit — et il y en a plus encore — ni tous les dons du critique, de l’écrivain, de l’orateur même, ne suffisent à expliquer le plaisir complexe et complet que donne, à la foule comme aux délicats, M. Sarcey mettant en scène les idées de M. Sarcey sur Corneille ou sur Racine.
- ↑ Francisque Sarcey (né en 1828), sorti de l’École Normale en 185, professeur de 1851 à 1858, puis journaliste, chargé de la critique dramatique au Temps depuis 1867, se fit remarquer par ses conférences dès les dernières années de l’empire. — Éditions : Souvenirs de jeunesse, in-16. 1884 ; Comment je devins conférencier, n-16. Quarante ans de théâtre, t. I, 1900 (série complète en 7 volumes).