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la poésie.


1. V. HUGO ET SON ŒUVRE.


L’homme[1], moralement, est assez médiocre[2] : immensément vaniteux, toujours quêtant l’admiration du monde, toujours occupé de l’effet, et capable de toutes les petitesses pour se grandir, n’ayant ni crainte ni sens du ridicule, rancunier impitoyablement contre tous ceux qui ont une fois piqué son moi superbe et bouffi, point homme du monde, malgré cette politesse méticuleuse qui fut une de ses affectations[3], grand artiste avec une âme très bourgeoise[4],

  1. Biographie : Victor Hugo, fils du général Hugo, né à Besançon en 1802, suivit son père en Italie, en Espagne, fut quelque temps élevé au séminaire des nobles à Madrid ; à Paris, il vécut avec sa mère dans cette maison des Feuillantines qu’il a chantée. Lauréat aux Jeux Floraux de Toulouse en 1819, pensionné par Louis XVIII après les Odes, il se marie jeune. Pair de France sous Louis-Philippe, député de Paris en 1848, exilé au 2 Décembre, il est devenu républicain et démocrate vers 1850 : il avait été d’abord légitimiste, puis libéral, très bien vu de la maison d’Orléans. Ses changements d’opinions sont tout à fait légitimes : il eut le tort de vouloir les dissimuler, et de recourir à toute sorte de falsifications de ses propres écrits pour mettre après coup l’unité dans sa vie et dans ses convictions. Rentré en France après le 4 septembre 1870, il mourut en 1885 : ses funérailles furent une apothéose. Ses principales œuvres poétiques sont les Odes (1822) ; autre éd. (1826), les Orientales (1829) ; les Feuilles d’automne (1831) ; les Chants du crépuscule (1835) ; les Voix intérieures (1837) ; les Rayons et les Ombres (1840) ; de 1853 à 1859, les trois recueils cités ci-dessus ; les Chansons des rues et des bois (1865) ; L’Année terrible (1872) ; deux nouveaux recueils de la Légende des siècles (1877 et 1883) ; L’Art d’être grand-père (1877) ; les Quatre Vents de l’esprit (1881).

    Éditions : Œuvres complètes, éd. définitive, Hetzel-Quantin, 48 vol. in-8, 1880 et suiv. ; Hetzel et Cie, in-16 (en cours de public, depuis 1889). Éd. nationale illustrée, pet. in-4 (en cours de public, depuis 1889). Œuvres posthumes (en cours de public, depuis 1886). Correspondance, Calmann-Lévy, 2 vol. in-8, 1896-1898. Lettres à la fiancée, 1901.

    À consulter : E. Biré, V. Hugo avant 1830, 1 vol. in-18, 1883 ; V. Hugo après 1830, 2 vol. in-18, 1891 ; V. Hugo après 1852, 1 vol. in-18, 1894. E. Dupuy, V.Hugo, l’homme et le poète, in-18, 1887. L. Mabilleau, V. Hugo (Gr. Écr. français), in-16, 1893. Renouvier, V. Hugo, le poète ; le philosophe, in-18, 1893-1900. E. Faguet, xixe siècle. F. Brunetière, Évolution de la p. lyrique, 5e et 11e leç. Guyau, l’Art au point de vue sociologique. P. et V. Glachant, Papiers d’autrefois, 1899. E. Rigal, V. Hugo poète épique, 1900. G. Simon. L’enfance de V. Hugo, 1904.

  2. Ce portrait me paraît aujourd’hui avoir besoin de rebouches. Il a été écrit sous l’influence du réquisitoire artificieux et fortement documenté de Biré. Les publications de documents et surtout de lettres, qui ont été faites en ces dernières années, ont tourné en général à l’avantage du caractère de Victor Hugo. Je suis d’autre part de plus en plus sensible à sa poésie : soit que je m’habitue à ses défauts et ses outrances, soit que mon goût s’élargisse, je l’accepte mieux qu’autrefois tel qu’il est, et j’y trouve de plus en plus de choses qui me saisissent et me touchent. Pour comprendre la prise que put avoir V. Hugo sur le public, il faut lire les Souvenirs (2 vol., 1908-9) de ce bourgeois de Paris modéré, curieux et intelligent qui s’appelle Henry Boucher (11e éd.).
  3. Pourquoi ne voulais-je pas croire qu’il fût simplement poli, par éducation, et par un gout sincère ? (11e éd.).
  4. Avec des vertus bourgeoises aussi (11e éd.).