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le théâtre avant le quinzième siècle.

gues Cela ne fait pas partie de la comédie : cela aide à en comprendre les origines. Simples chansons et fabliaux, chansons de caractère et monologues, tout cela, comme les parades des bateleurs, contenait de quelque façon en puissance la comédie : tout cela dut en influencer le développement.

Ajoutons maintenant la tradition littéraire de l’antiquité, puis qu’enfin les œuvres comiques du moyen âge sont d’un temps où l’exercice de la littérature était en grande partie aux mains des clercs des universités. Il y eut, et de bonne heure, dans les écoles des représentations de pièces latines dont les comédies de collège des xviie et xviiie siècle ont continué la tradition.

Enfin les jeux liturgiques et sacrés durent fournir la forme selon laquelle s’organisèrent les éléments partout épars du théâtre profane et comique, au moins la mise en scène et la distribution matérielle du sujet [1]. On en trouverait presque la preuve dans les premières œuvres comiques du moyen âge qui nous soient parvenues. C’est un trouvère d’Arras qui fit jouer au xviiie siècle ces deux pièces remarquables, et l’une à Arras même, au puy : or Arras est précisément la ville qui, la première à notre connaissance, s’empara du drame religieux, et lui donna, avec Bodel surtout, le caractère d’un divertissement dévot, mais laïque. L’imagination éveillée des poètes picards, ou peut-être la fantaisie originale du seul Adam de la Halle [2], saisit la variété et la puissance des effets qui étaient contenus dans la forme de ces « jeux » sacrés. Appliquée au vieux thème des pastourelles, elle donna le Jeu de Robin et de Marion, la première de nos pastorales dramatiques, ou, comme on a dit, de nos opéras-comiques : en effet, de son origine lyrique, le sujet a gardé la musique. Appliquée à un autre thème, le thème satirique et badin qui s’était à Arras même cristallisé dans le Congé, remplie au moyen d’un mélange singulièrement hardi de toute sorte d’éléments narratifs, lyriques, littéraires et populaires, elle a donné le Jeu de la Feuillée.

Le Jeu de Robin et de Marion, qui fut représenté en 1283, à

  1. Non seulement un modèle, mais souvent un cadre : la gaieté enfantine du peuple distingua de bonne heure et développa dans les drames liturgiques, sans penser à mal, des moments te des parties comiques. (Cf. Wilmotte.)
  2. Biographie : Adam de la Halle, dit le Bossu, né à Arras vers 1240, étudia pour être clerc, se maria, le regretta, alla probablement à Parus reprende ses études, et composa à cette occasion (vers 1262) le Jeu de la Feuillue et sans doute le Congé qu’il adresse à sa ville natale. Il revint bientôt à Arras, prit part aux agitations de la vie communale, et se retira (vers 1269) à Douai avec son père. Il suivit en Italie le comte Robert II d’Artois, et resta au service du roi Charles d’Anjou. Il fit jouer à Naples, dans l’automne sans doute de 1283, le Jeu de Robin et de Marion. Il était mort en 1288. Le Jeu de Robin et de Marion fut rapporté et joué à Arras, et c’est pour cette représentation que fut composé le Jeu du Pèlerin, prologue dialogué.