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la littérature sous henri iv.


2. RÉSULTATS GÉNÉRAUX DU xvie SIÈCLE.


Dans ce défilé rapide des écrivains du temps de Henri IV, on n’a pas eu de peine sans doute à saisir au passage quelques traits communs de ces physionomies si différentes.

Après le vigoureux élan des humanistes pour s’élever à la hauteur des œuvres anciennes, après les convulsions politiques et religieuses qui ont remué les âmes jusqu’au fond, la littérature, comme la France, se repose. L’individu qui a tenté de se faire centre et maître du monde, reçoit une règle et restreint ses ambitions. L’édifice social, politique, religieux, moral est reconstruit ; chacun s’y loge à sa place pour travailler dans sa sphère. Un grand besoin d’ordre et de paix s’est à la longue éveillé, surtout dans le peuple et dans la bourgeoisie : on se réfugie dans la monarchie absolue, à qui l’on demande le salut de l’État et la protection des intérêts privés. Malherbe, Du Vair, Montchrétien, Olivier de Serres, Régnier, chacun à sa façon, avec les nuances de son caractère, traduisent ce réveil de la foi monarchique dans laquelle s’unissent le patriotisme et l’amour du travail pacifique.

De la même source est sortie la tolérance religieuse. La France reste catholique, mais elle accepte des fils protestants. La controverse se règle : des deux côtés, on cherche à confirmer des fidèles, plutôt qu’on n’enflamme des soldats. L’Église catholique, avec Du Perron et François de Sales, achève sa réforme intellectuelle, elle retrouve la science et l’éloquence. Les protestants, il faut bien le dire, s’effacent de la littérature, dès qu’ils désarment : ils se perdent dans la masse catholique, tandis que leur D’Aubigné, en qui revit tout le xvie siècle individualiste, anarchique et lyrique, lâche, retiré en son coin, ses chefs-d’œuvre grognons et surannés.

Par la restauration de la monarchie absolue et de la religion catholique, l’esprit français écarte les questions irritantes et dangereuses. Comme il affranchit sa pensée, en supprimant la crainte des applications pratiques, il la rend efficace, en ôtant la tentation des aventures métaphysiques. Montaigne a bien délimité l’inconnaissable : mais s’il vit à l’aise dans son positivisme, tous les esprits qui ne peuvent se passer de certitude demandent à la foi de parler où la raison se tait. Ainsi se superpose l’Évangile à la philosophie, avec Charron, avec Du Vair. Bien assurée de ce côté, la raison, mûrie dans les agitations du siècle et l’étude des anciens, se reconnaît juge souveraine de la vérité qu’on peut connaître, et la littérature s’imprègne d’un rationalisme positif et scientifique. Le domaine de la foi est réservé : hors de là, tout se