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Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/412

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la préparation des chefs-d’œuvre.

exubérante, de sérieux éléments de comédie, des figures curieusement dessinées, la Rancune, le cabotin usé et grincheux, la Rappinière, le rieur méchant, la Garouffière, le provincial parisiennant, Ragotin, un petit bourgeois vif et hargneux, galant et fat.

L’épopée, elle aussi, aura sa contre-partie, qui sera le burlesque. L’essence du burlesque, c’est le manque de convenance : faire parler les dieux et les héros comme on parle aux faubourgs, aux halles, et mettre tout le détail de la forme en désaccord constant avec la nature du sujet. Scarron est le grand homme du genre : rien ne vaut le Virgile travesti, qui ne vaut pas grand’chose. On en a trop vanté le sens littéraire, et l’esprit y est des plus gros ; cela fatigue vite. Ce barbouillage n’a pas l’ampleur de bouffonnerie du Roman comique, ni même de Don Japhet d’Arménie. On a peine à croire à quel point ce genre du burlesque, aussi faux que l’héroïque, fut à la mode de 1648 à 1660. On mit tous les auteurs anciens en style burlesque, même Hippocrate. On fit du burlesque une arme politique dans les Mazarinades ; on l’employa dans les querelles scientifiques, pour discréditer l’antimoine. On l’appliqua même à l’édification, pour profiter de sa vogue, et les âmes pieuses purent puiser dans la « Tabatière spirituelle pour faire éternuer les âmes dévotes vers le Sauveur ».

Ainsi dans la poésie, dans l’épopée, dans le roman, dans le sérieux et dans le comique, toute la première moitié du siècle nous fait assister à une débauche d’esprit et de fantaisie, où l’invention monstrueuse, toujours plus haut ou plus bas que la nature, s’associe à une exécution la plupart du temps hâtive, inégale, et grossière jusque dans ses finesses.