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pascal.

son nouvelle de l’esprit monastique que la révolution intellectuelle du xvie siècle avait paru d’abord devoir éteindre. Nombre de communautés, réformées ou nouvelles, feuillants, bénédictins de Saint-Maur, oratoriens, prêtres de la Mission, compagnie de Saint-Sulpice, trappistes, sœurs de la Charité, filles du Calvaire, les unes contemplatives, d’autres actives, certaines studieuses, d’autres charitables, toutes ferventes et rigoristes, attestent, de la fin du xvie siècle jusque fort avant dans le xvii, la force du mouvement catholique. Le jansénisme est un effet parmi les autres, et non la cause, de cette reprise vigoureuse de vitalité par laquelle la religion, si menacée naguère, va ressaisir la domination du siècle.

Mais le jansénisme se distingue, d’abord parce que seul il est hétérodoxe, ce qui veut dire qu’il a une doctrine, une personnalité intellectuelle, une conception propre de la vie et des rapports de l’homme avec le surnaturel ; ensuite parce que seul il ne se développe point exclusivement dans l’Église ; au contraire, il n’a point de pénétration dans le clergé régulier, il est assez largement diffus parmi les compagnies de prêtres telles que l’Oratoire, il recrute surtout ses adhérents parmi les ecclésiastiques séculiers et parmi les personnes pieuses de tout caractère. Il est une doctrine, et non pas un ordre : par là même, comme on s’y lie par une adhésion libre de la raison, non par un engagement destructeur de la liberté, il est, malgré sa conception du prêtre, pratiquement tout laïque. Et c’est ce qui le rendra propre à représenter dans le siècle l’esprit de toute la religion, c’est ce qui en fera l’adversaire par excellence et la barrière du libertinage intellectuel et moral. C’est ce qui lui permettra, persécuté et vaincu dans ses opinions dogmatiques, d’étendre à travers la société son autorité morale, à tel point qu’il semblera avoir, aux yeux de la postérité, la direction du mouvement catholique dans la lutte contre l’irréligion.

Il faut nous arrêter un moment pour expliquer cette lutte.


1. L’IRRÉLIGION AU DÉBUT DU XVIIe SIÈCLE.


Le xviie siècle, de loin, paraît presque tout chrétien : à le regarder de près, on y distingue un fort courant d’irréligion, théorique et pratique. Le courant disparaît dans la seconde partie du siècle, sous l’éclat de la littérature catholique et sous la décence des mœurs imposée par le grand roi. Mais, entre 1600 et 1660, l’incrédulité s’étale [1].

  1. À consulter : Le P. Garasse, Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, 1623 ; Mémoires, éd. Nisard, 1861. L’Estoile, Tallemant, Mme de Motteville, Guy Patin, Saint-Évremond, passim. Lachèvre. Le procès du poète Théophale de Viau. 2 vol., 1909. Perrens, les Libertins au xviie siècle, 1896 G. Lanson, Revue des Cours, 1908-1909.