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Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/480

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la première génération des grands classiques.

ques, et qui l’amena dans sa pénitence à exiger instamment de Jésus qu’il lui eût donné sur la croix une pensée, une goutte de son sang, personnellement, à lui Pascal, pour sa rédemption particulière : nature tourmentée et superbe, qu’aigrit encore et troubla la maladie, intelligence puissante, étendue en tous sens et comme en toutes dimensions, un des plus beaux et plus forts esprits d’homme qu’il y ait jamais eu.


4. LES PROVINCIALES.


Les quatre premières Provinciales traitent de la censure d’Arnauld, et de la Grâce : puis Pascal élargit le débat, et va à l’essentiel, en traitant dans les lettres V à XVI de la morale des jésuites. Les lettres XI à XVI sont adressées aux Révérends Pères eux-mêmes, dont les réponses sont réfutées dans la XIIIe ; les deux dernières, adressées au P. Annat, de la Société, discutent la question si les jansénistes sont des hérétiques.

Ces vigoureux pamphlets firent une impression profonde : le Parlement de Provence les condamna, Rome les condamna (sept. 1657) : à Paris, en 1660, sur le rapport d’une commission ecclésiastique, le Conseil d’État fit brûler la traduction latine que Nicole, sous le pseudonyme de Wendrocke, avait donnée des Provinciales : il est vrai que l’arrêt visait surtout une note du traducteur, où l’on vit une offense à Louis XIII.

Cependant on ne peut dire que Pascal ait eu le dessous même dans l’Église : tandis que son parti était vaincu, son livre triomphait, et jamais depuis, la Compagnie de Jésus ne s’est remise du coup qu’il lui a porté. Il a créé contre elle un ineffaçable préjugé et fourni des armes à tous ceux qui l’ont crainte ou haïe. Dès 1656, les curés de Rouen, puis ceux de Paris déféraient à l’Assemblée du Clergé 38 propositions de morale relâchée ; en 1658, les curés de Paris dénonçaient au Parlement, à la Sorbonne et aux vicaires généraux une Apologie des Casuistes, qui fut condamnée. Alexandre VII en 1665, Innocent XI en 1679, condamnèrent la morale relâchée. Bossuet, en 1682, en prépara une censure pour l’Assemblée du Clergé, qui n’eut pas le temps de la voter ; mais en 1700 il reprit le même dessein, et cette fois le mena à bout. Enfin, en 1773, dans la bulle de suppression de l’ordre des jésuites, l’un des considérants indiqués par le Pape est la morale pernicieuse de leurs casuistes. Tout cela, et mainte manifestation de la libre pensée moderne contre la Compagnie, tout cela sort des Provinciales et n’est que la suite du mouvement créé par Pascal.

Il est certain que les Provinciales sont très fortes, et les défenses des jésuites très faibles : la meilleure, celle du Père Daniel, parut