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Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/511

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les mondains.

elle est absolument aimable en effet, étant absolument franche, et désintéressée. Elle s’est dévouée à ses filles, mais elle leur a dû toute la joie de sa vieillesse. Là seulement, et quand elle s’occupe d’elles, s’efface ce goût de tristesse amère, de lassitude accablée, d’ennui pesant, qui se fait sentir dans les lettres qu’elle écrit de la cour.

Toute cette correspondance est d’un écrivain de premier ordre : Mme de Maintenon a une propriété, une netteté, une brièveté sans sécheresse, une justesse aisée, une grâce de bon sens naturel et limpide, qui faisait rendre les armes à Saint-Simon même. Et si l’horizon de Mme de Sévigné est plus large, si elle a des inquiétudes plus hautes et plus philosophiques, Mme de Maintenon a une expérience sûre et profonde de la nature humaine et des tempéraments individuels, une de ces expériences d’institutrice et de directrice d’âmes à qui rien ne se dérobe : on aime à entendre une personne de si bon sens et si bien informée, qui a perdu ses illusions sans en trop vouloir à autrui.


4. MADAME DE LA FAYETTE.


Je rattacherai le roman à l’étude des genres et groupes d’écrits qui appartiennent proprement à la société, polie du xviie siècle, et ne contiennent rien qu’elle n’y ait mis. Dans la seconde partie du siècle, en effet, comme dans la première, aucun artiste ne s’empare encore de cette forme, et c’est une femme du monde qui en fournit le chef-d’œuvre.

Mme de la Fayette [1], que La Rochefoucauld estimait la femme la plus vraie qu’il eût connue, était une fine et adroite personne, très intelligente et point sentimentale, dont le style est, avec celui de Bussy, et mieux encore, la perfection du style mondain : elle a un style aisé, vif, sans affectation, sobre et net, lumineux plutôt qu’outré, sans passion ni grands éclats ni ampleur de geste, avec une pointe sèche de gaieté, et une malice aiguë, parfois meurtrière.

Elle réduisit le roman héroïque en dix tomes de Mlle de Scudéry à des proportions plus délicates et à des sentiments plus humains. Zayde (1670) n’est encore qu’un abrégé du Cyrus : matière

  1. Marie-Madeleine Pioche de Lavergne (1634-1696) épousa en 1655 le comte de la Fayette, dont elle resta veuve en 1683. Elle publia ses romans sous le nom de Segrais.

    Édition : Œuvres complètes de Mmes de la Fayette, de Tencin et de Fontaines, Paris, 1825, 5 vol. in-8, t. I-III. — À consulter : Taine, Essais de critique. D’Haussonville, Mme de la Fayette, Hachette, 1891, in-16.