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Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/513

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les mondains.

nous offre, entassés pèle-mêle, parfois bruis, et parfois dégrossis pour l’usage, des matériaux identiques à ceux que les grands artistes du temps emploieront à la description des mœurs et à la satire du faux goût.


5. LES ÉRUDITS BÉNÉDICTINS.


La plus grande partie de ce chapitre nous fait apercevoir la société polie des salons et de la cour. Tout à l’heure, avec Furetière, nous avons rencontré la bourgeoisie, dont les lettres de Guy Patin [1], ce médecin parisien si frondeur et si caustique, nous offriraient un type un peu antérieur et contemporain du monde précieux, dont nous rencontrerons encore le type tout à l’heure chez nos grands écrivains, mais un type élargi, affiné par le double contact des anciens et de la cour. Par les orateurs de la chaire, nous pénétrerons dans la société ecclésiastique.

Mais il est un coin de ce monde du xviie siècle, où nulle œuvre littéraire ne nous mène, et sur qui cependant nous ne saurions négliger de jeter un coup d’œil. Je veux parler des érudits, les Du Cange [2], les Baluze, et tous ces bénédictins dont l’immense labeur a illustré le nom de l’ordre, les Luc d’Achery, les Mabillon, les Ruynart, les Montfaucon. Beaucoup d’entre eux ont laissé des lettres où revivent ces originales figures d’érudits, qui cherchèrent la vérité avec une passionnée indépendance sans cesser d’être d’humbles chrétiens. Mais n’eussent-ils pas écrit de lettres, il n’en faudrait pas moins indiquer ici qu’ils vécurent et travaillèrent : car leur œuvre, étrangère à la littérature, et même souvent à la langue française, a préparé le merveilleux développement de la critique, de l’histoire, de l’archéologie, de toutes ces sciences où la littérature du xviiie siècle et celle du xixe siècle ont trouvé quelques-uns de ses plus authentiques chefs-d’œuvre.

  1. Guy Patin (1602-1672) fut professeur au Collège de France et doyen de la Faculté de médecine. — Lettres, éd. Réveillé-Parise, Paris, 1846, 3 vol. in-8.
  2. Du Cange (1610-1688) : Glossarium ad scriptores mediæ et infinæ latinitatis (1678) ; Gloss. ad script. med et inf. Græcitatis (1688) ; Baluze (1630-1718), bibliothécaire de Colbert : Regum Francorum Capitularia (1677) ; Luc d’Achery (1609-1685) : Veterum aliquot scriptorum… spicilegium (165-1677) ; Luc d’Achery et Mabillon, Acta sanctorum ordinis Sancti Benedicti (1668-1701) ; Mabillon (1652-1707) : De re diplomatica libri VI (1682) ; Traité des études monastiques (1691) contre l’abbé de Rancé ; Ruynart (1657-1709) : Acta primorum martyrum sincera et selecta (1689) ; Montfaucon (1655-1741) : l’Antiquité expliquée (1719) ; Paleographia græca (1708) ; Monuments de la monarchie française (1729-1733), etc. — À consulter : E. de Broglie, Mabillon et la Société de l’abbaye de Saint-Germain des Prés, Paris, 1888, 2 vol. in-8 ; B. de Montfaucon et les Bernardins, Paris, 1891, 2 vol. in-8.