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Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/652

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les origines du dix-huitième siècle.


3. DIVISION DU XVIIIe SIÈCLE.


Le xviiie siècle n’est pas uniforme dans son développement. Il se divise naturellement en deux périodes (1715-1750 ; 1750-1789). Dans la première s’affirme l’insensibilité esthétique de l’esprit philosophique, mais s’épanouit en même temps cet art spécial, unique, qui trouve en Marivaux sa perfection. Dans la seconde se réveillent les facultés oratoires, précédant les facultés poétiques : nous avons vu, au xviie siècle, le lyrisme se résoudre en éloquence ; on refait le même chemin en sens inverse. Des impulsions sentimentales, des besoins imaginatifs commencent à troubler les opérations de la lucide et froide intelligence. Des réalités, des morceaux de nature entrent dans l’esprit de l’homme ; des images, des sensations s’infiltrent dans la littérature.

La première période, où dominent Montesquieu et Voltaire, où les purs littérateurs, à peine marqués ou imprégnés à leur insu de l’esprit du siècle, brillent assez nombreux, cette période nous présente une critique encore modérée des institutions établies et des croyances du passé. Dans la seconde, avec Diderot, avec Rousseau, avec Voltaire qui force le pas pour rester à la tête du mouvement, l’attaque devient plus violente et plus générale. Toutes les forces révolutionnaires — les forces intellectuelles, s’entend — entrent en ligne, et la victoire est complète. L’ancien régime finit en idylle, dans la persuasion où est toute cette société, que rien ne résiste plus à la raison : la diffusion des lumières est accomplie ; le règne de la vérité et de la justice va venir.