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CHAPITRE II

PRÉCURSEURS ET INITIATEURS DU XVIIIe SIÈCLE


Irréligion foncière du xviiie siècle. — 1. Les libertins ; les sociétés du Temple et de Ninon. — 2. Les cartésiens : Fontenelle. — 3. Les théologiens : Bayle.

Dans la critique générale des opinions traditionnelles et des institutions établies qui fut l’œuvre du xviiie siècle, le point capital est la destruction du principe de la foi. Il n’y a pas eu de révélation ; les lois de la nature n’ont jamais été dérangées par une intervention divine ; tout ce qui est arrivé, arrive, arrivera dans la vie de l’univers et de l’humanité, est naturel, donc rationnel. Le surnaturel, le miracle, est une illusion ou un mensonge. Voilà l’essentielle affirmation du xviiie siècle ; quelques-uns des plus grands esprits qu’il ait produits, l’ont repoussée ; mais, à leur insu, elle a dirigé leur pensée. Car la suppression du christianisme, d’un idéal religieux qui fournit une règle de vie avec une espérance de bonheur ultra-terrestre, mais infini, cette suppression seule explique la fureur de zèle humanitaire avec laquelle les philosophes veulent refaire la société pour mettre dans cette vie toute la justice et tout le bonheur.

Les vrais maîtres du xviiie siècle sont donc ceux qui lui ont appris à détruire le système du christianisme. Ces maîtres furent les cartésiens, et les théologiens, plus que les libertins.

1. LES LIBERTINS.

Nous avons déjà mentionné le groupe des libertins, si apparent au début, et à la fin du siècle : j’ai signalé ces deux foyers de scepticisme épicurien, la société du Temple et la société de Ninon.