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CHAPITRE III

BUFFON

Caractère de l’homme, et valeur littéraire de l’œuvre.

Buffon[1] fait avec Diderot le plus parfait contraste. Quand on lit ses lettres, on est saisi de cette sérénité imperturbable, de cette indifférence aux polémiques et aux passions du temps, de cette régularité laborieuse, de cet esprit d’ordre, qui permirent à Buffon de mener à bonne fin le grand ouvrage qu’il avait conçu. Majestueux dans sa figure, dans ses attitudes, dans son style, il l’était aussi dans son caractère : il avait une vraie noblesse d’âme, beaucoup de bon sens, de solidité, d’honnêteté, point de vanité, aucun sentiment bas ou mesquin. Sa dignité, en un siècle de laisser aller et de débraillé, avait sa source dans l’élévation naturelle de son âme ; il n’affectait rien ; et nous devons nous défier de la légende qui s’est attachée à son nom. Indépendant, paisible, il s’est fait de l’exclusion des passions, de la vie intellectuelle et contemplative une philosophie, une morale, un bonheur : sa carrière nous offre l’unité d’une belle existence de savant, tout dévoué à la science et à son œuvre. Il trouve sa voie en 1739, après qu’il a été nommé Intendant du jardin du roi : il se tourne vers l’histoire naturelle ; il prépare ses matériaux. Ses deux premiers volumes paraissent en 1749 : préparer les volumes suivants, sera

  1. Biographie : Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788), fils d’un conseiller au Parlement de Bourgogne, voyage en Angleterre et en Italie avec un jeune lord anglais, et semble d’abord s’appliquer aux mathématiques. Puis il s’occupe de physique et d’agriculture, et ses travaux lui ouvrent l’Académie des sciences. Il entre à l’Académie française en 1753. — Éditions : Œuvres, 1749-1804. 44 vol. in-4 ; 1835. 9 vol. in-8 ; édit. Flourens, Garnier, 1852, 12 vol. in-8 ; Corr. inédite, éd. Nadault de Buffon, Paris, 2 vol. in-8, 1860. — À consulter : Éloges de Condorcet et de Cuvier ; Faguet, XVIIIe siècle ; A. de Quatrefages, Ch. Darwin et ses précurseurs français. 1870, in-8.