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Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/869

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retour a l’art antique.

douceâtre et convenue, une noblesse un peu creuse et de décadence se remarquent très aisément dans les conceptions poétiques ou dramatiques des écrivains de la fin du siècle. Il y a un style Louis XVI dans la littérature, et le groupe de Paul et Virginie nous en présente la plus harmonieuse création. Ce sera ce goût antique qui ira se développant sous la Révolution, favorisé par les événements politiques et par le mouvement des idées : dégagé de plus en plus des éléments mondains, élégants, spirituels, auxquels il s’est allié d’abord, il créera des formes pures et froides ; il réalisera l’harmonie sans la vie, et la beauté par l’effacement du caractère ; il suscitera la correcte poésie des Fontanes, des Luce de Lancival et des Chênedollé ; il imposera même à l’imagination brûlante de Chateaubriand les idéales figures de Cymodocée et d’Atala, qui ressemblent à l’antique tout juste comme des marbres de Canova.

Il était important de signaler le courant qui porte les esprits de nouveau vers l’art gréco-romain : nous découvrons ainsi les origines, la place d’un génie original que, sans cette étude préalable, on ne sait où loger dans l’histoire de notre littérature. L’antiquité, je pourrais dire l’archéologie et l’art grec, ont leur poète à la fin du xviiie siècle, le plus grand, le seul grand de tout le siècle : et nous voici conduits à André Chénier.


2. ANDRÉ CHÉNIER.


André Chénier[1] ne fut connu de son vivant que par quelques odes et dithyrambes qui le classent à côté de Lebrun : son lyrisme

  1. Né en 1762 à Constantinople, Chénier fut amené tout jeune en France (1765) ; il se lia au collège de Navarre avec les frères Trudaine. Il fut 6 mois cadet au régiment d’Angoumois, en garnison à Strasbourg. En 1784, il voyage en Suisse et en Italie, avec les Trudaine (1784-1785). De 1785 à 1791 datent la plupart des idylles et élégies de Chénier. En 1787, il partit pour l’Anglelerre, comme secrétaire de M. de la Luzerne nommé ambassadeur. Il s’y ennuya cruellement, et revint en France en juin 1791. Il avait déjà publié quelques écrits politiques. Il entra dans la Société de 1789. Après le 10 août, André Chénier, qui s’indignait du cours des événements, et qui était en désaccord avec son frère Marie-Joseph, l’auteur tragique, quitta Paris. Au commencement de 1793, il se fixa à Versailles, venant de temps à autre à Paris, visitant des amis à Passy, à Luciennes, à Saint-Germain. Le 7 mars 1794, il fut arrêté près de la Muette, sans qu’il y eut de mandat contre lui. Il fut mis à Saint-Lazare, transféré le 6 thermidor à la Conciergerie, jugé et exécuté le 7. Marie-Joseph fit en vain tous ses efforts pour le sauver.

    Éditions : Poésies, 1819 ; G. de Chénier, Lemerre. 1874. 3 vol. in-8 ; Becq de Fouquières, Charpentier, 1862 et 1872, in-12 ; Œuvres en prose, éd. Becq de Fouquières, 1872. in-12 ; Commentaire sur Malherbe, 1842, Les Bucoliques,éd, J. -M. de Heredia, 1907. Œuvres complètes, éd. Dimoff, 1908, t. I. — À consulter : E. Faguet, xviiie siècle. H. Potez, ouvr. cité (p. 633, n. 1.). L. Bertrand, la Fin du classicisme et le retour a l’antique, Hachette, 1898.