Aller au contenu

Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/890

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
868
la littérature pendant la révolution et l’empire.

l’idée qui lui a dicté son discours sur le droit de paix et de guerre, le dernier de ses grands triomphes oratoires. Il avait l’esprit monarchique, et absolument opposé à la démocratie.


3. GIRONDINS ET MONTAGNARDS.


Nous n’avons pas à nous arrêter aux défenseurs de l’ancien régime contre lesquels lutta Mirabeau : le cynique et violent Maury, le sincère et mesuré Cazalès [1]. Mais lorsqu’il voulut marquer le point d’arrêt de la Révolution, parmi ceux qui le dépassaient et devinrent ses adversaires se rencontre un orateur de premier ordre, Barnave [2], qui avait été avocat au barreau de Grenoble. Nature généreuse et sensible, passionné pour la tolérance, l’humanité, la liberté, il avait adopté une éloquence nette, sobre, sévère, volontairement un peu froide. On peut en prendre une idée dans son Discours sur le droit de paix et de guerre, où il combattait Mirabeau et la prérogative royale : c’est un rappel aux principes, une déduction serrée, sans écarts et sans éclats ; aucune emphase, ni métaphores, ni comparaisons, ni allusions ambitieuses ; seulement parfois il allègue une autorité, telle que « l’autorité bien imposante de M. de Mably ». Il y a là une sorte de raideur doctrinaire qui est d’un assez puissant effet.

À l’Assemblée législative se font remarquer les représentants du département de la Gironde, Vergniaud, Guadet, Gensonné, et, à leurs côtés, Isnard, venu du Var ; ils se retrouvent à la Convention, où les joignent Barbaroux, député de Marseille, Louvet envoyé par le Loiret, et Buzot, qui arrive d’Évreux [3]. Isnard eut d’éclatants

  1. Maury (1746-1717), né à Valréas (Vaucluse), lauréat académique, académicien, prédicateur, député à l’Assemblée constituante, émigré, rentre en 1804, est fait par Napoléon archevêque de Paris, et meurt à Rome. — J.-A. de Cazalès (1752-1805), ancien officier de cavalerie.
  2. Barnave (1761-1793), député aux États Généraux, fut un des membres chargés de ramener Louis XVI et sa famille après son arrestation à Varennes.
  3. Guadet, né en 1755 à Saint-Émilion, avocat à Bordeaux, député de la Gironde à la Législative et à la Convention, fut arrêté à Bordeaux le 29 prairial an II, condamné et exécuté. —Gensonné, né à Bordeaux en 1758, avocat, puis juge à la cour de Cassation, député de la Gironde à la Législative et à la Convention, fut arrêté et exécuté à Paris en 1793. — Isnard, né à Draguignan entre 1750 et 1760, député du Var à la Législative et à la Convention, se déroba à la chute de son parti, rentra en 1795 à la Convention, fut député aux Cinq-Cents, et applaudit en 1804 à l’Empire : il mourut en 1830. — Barbaroux, né en 1767, député de Marseille à la Convention, décapité en 1794. — Louvet, né à Paris en 1760, publia son Faublas de 1787 à 1790, fut député du Loiret à la Convention, se cacha dans le Jura, et rentra à Paris après le 9 Thermidor ; il fut élu aux Cinq-Cents, et mourut en 1797. — Buzot, né en 1760, député à la Constituante, président au tribunal d’Évreux sous la Législative, député à la Convention, ami de Mme Roland, essaya de soulever la Normandie, passa dans la Gironde, et s’empoisonna.