CHAPITRE IV
CHATEAUBRIAND
Le 4 septembre 1768, naissait à Saint-Malo, dans la sombre rue des Juifs, le chevalier François-René de Chateaubriand : le mugissement des vagues étouffa ses premiers cris, le bruit de la tempête berça son premier sommeil. Des neufs enfants nés avant lui, un frère et quatre sœurs survivraient, lorsque la vie lui fut infligée. Il était d’une branche cadette d’une famille ancienne de Bretagne, fils d’un cadet qui, embarqué comme mousse, s’enrichit en Amérique par d’assez rapides voies, que les Mémoires d’outre-tombe ne daignent point expliquer.
Le petit chevalier, qu’on n’avait désiré que pour suppléer à la perte possible de l’aîné, poussa comme il plut à Dieu, sur le pavé de Saint-Malo, au bord des grèves, plus rudoyé que surveillé, polissonnant tout le jour, rentrant au logis les vêtements en loques et l’oreille parfois déchirée. Il reçut une instruction assez décousue, aux collèges de Dol, de Rennes, de Dinan : on le destinait à l’état de marin, puis il déclara vouloir être prêtre. Cependant il passait ses vacances, et, lorsqu’il eût échappé aux collèges, il fit un long séjour au triste château de Combourg ; le paysage avec ses forêts,