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Page:Lanson - Histoire de la littérature française, 1920.djvu/946

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l’époque romantique.

verna par son éloquence de poëte, calmant, maniant, purifiant les passions populaires, contenant la révolution qu’il avait faite, faisant acclamer le drapeau tricolore par l’émeute qui apportait le drapeau rouge. Puis les choses reprirent leur cours : mais le suffrage universel avait changé l’aspect de la Chambre et par contre-coup la forme de l’éloquence parlementaire : il y eut moins de correction, de politesse, de logique, plus de violence et de passion déchaînée, des voix plus grosses et plus populaires ; la tradition emphatique ou solennelle de l’éloquence jacobine, le rugissement et le laconisme reparurent à la tribune. V. Hugo déployait ses vastes images, assénait ses antithèses sentencieuses ; et sa volumineuse éloquence, abondante en grands effets et théâtralement machinée, soutenait des combats fréquents contre la parole unie et savante de Montalembert.


3. ORATEURS UNIVERSITAIRES.


L’organisation de l’enseignement supérieur ouvre aux orateurs une carrière nouvelle. Les cours d’histoire, de philosophie et de littérature sont des occasions d’éloquence : là peut-être se font jour les manifestations les plus puissantes de l’esprit libéral, et trois professeurs, Guizot, Cousin, Villemain, deviennent, par leurs brûlantes leçons, les chefs de l’opposition d’aujourd’hui, les ministres du gouvernement de demain. Guizot, Cousin, tracassés, écartés par le pouvoir qu’ils inquiétaient, Villemain, plus paisible et moins redouté, se trouvèrent réunis dans les derniers temps de la Restauration (1828-30), développant, chacun en sa chaire et dans sa spécialité, la diversité de leurs tempéraments.

Guizot, toujours froid, maître de lui-même, le même dans sa chaire et dans ses livres, se représentera bientôt à nous quand nous étudierons le mouvement historique.

Victor Cousin [1], tempérament imaginatif, passionnait l’histoire

  1. Biographie : V. Cousin (1792-1867), successeur de Royer-Collard à l’École normale, et suppléant du même à la Sorbonne (1815), enseigna d’abord la philosophie écossaise ; puis il découvrit l’Allemagne, qu’il visita en 1817 et 1818, se liant avec Hegel, Jacobi et Shelling. En 1820 son cours fut suspendu. Il retourna en Allemagne en 1824, et fut emprisonné six mois pour carbonarisme. Il reprit son cours en 1827. La révolution de Juillet le fit pair de France, membre du conseil supérieur de l’instruction publique, directeur de l’École normale, ministre de l’instruction publique.

    Éditions : Cours de philosophie professé à la Faculté des Lettres pendant l’année 1818, 1836, in-8 (Du vrai, du beau et du bien, 1853, in-8) ; Cours d’histoire de la philosophie, 1826 (revu 1840 et 1863) ; Cours d’hist. de la phil. moderne, 1841, in-8 ; Cours d’hist. de la phil., morale au xviiie siècle., 1840-41 ; Fragments philosophiques, 1826, in-8 ; édition de Descartes, 11 vol. in-8, 1826 ; traduction de Platon, 1825-1840, 13 vol. in-8. Œuvres, 1846-47, 22 vol. in-18. Rapport sur la nécessité d’une nouvelle édition des Pensées de Pascal, 1842, in-8 ; Jacqueline Pascal, 1844, in-18 ; la Jeunesse