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la poésie romantique.

Avant 1850, il faut bien noter que V. Hugo donne peut-être moins sa caractéristique par la poésie que par le roman et le théâtre. Dans le roman, il était un romantique de la première heure par Han d’Islande (1823), contemporain des Odes classiques : puis il avait fait Notre-Dame de Paris. Mais la poésie dramatique surtout l’avait mis en renom : de Cromwell (1827) aux Burgraves (1843) on peut dire qu’il lui consacra les plus vigoureux efforts de son génie. Enfin, dans le Rhin (1842), il avait donné par la prose un pendant aux Orientales : sensation cette fois, et non plus rêve, vision réelle des choses, et suggestion d’images par leur immédiate impression. Dans toutes ces œuvres, les grandes facultés de l’artiste trouvaient leur exact emploi : toutes les formes du monde extérieur, nature et histoire, se laissaient évoquer par son imagination vigoureuse, ordonner en vastes ou pittoresques tableaux, où sa « pensée » profonde élisait des symboles, sans que la médiocrité, le vague ou la banalité de cette pensée eussent d’importance. Les genres ou thèmes objectifs convenaient à ce tempérament plus riche de formes que de fond ; ces romans, drames, voyages, mettaient V. Hugo sur la voie du lyrisme épique. En un sens, Notre-Dame de Paris et les Burgraves sont les deux premiers chapitres de la Légende des siècles.

V. Hugo s’achèvera, s’épanouira précisément à l’heure où le naturalisme recueillera la succession du romantisme : c’est alors qu’il donnera la mesure de son génie, et que nous essaierons de le définir tout entier.


5. ALFRED DE MUSSET.


L’Orient était à la mode avant les Orientales : après, ce fut une fureur. Que pouvait faire en 1830 un enfant qui se sentait poète ? Alfred de Musset[1] fit ses Contes d’Espagne et d’Italie. V. Hugo

  1. Biographie : Alfred de Musset, né en 1810, fut introduit dans le Cénacle en 1828 publia en 1829 ses Contes d’Espagne et d’Italie. Il se sépara presque aussitôt du Cénacle (Secrètes Pensées de Rafaël, juillet 1830). En 1832, il donna le Spectacle dans un fauteuil ; en 1833, Rolla. La rencontre avec G. Sand est de 1833 ; le voyage en Italie, de déc. 1833 à avril 1834, où Musset rentre à Paris. La rupture définitive eut lieu en 1835. De ses souvenirs, Musset fait la Confession d’un enfant du siècle, roman (1836). De 1835 à 1838 il donne la Lettre à Lamartine, l’Espoir en Dieu, et surtout les Nuits, de mai et de décembre (1835), d’août (1836), d’octobre (1837) ; le Souvenir est de 1841. Il mourut en 1857. Pour le théâtre, Lorenzaccio est de 1834 ; les Caprices de Marianne, de 1833 ; Fantasio, de 1834, comme On ne badine pas avec l’amour ; le Chandelier, de 1835 ; Il ne faut jurer de rien, de 1836. Presque tout l’œuvre de Musset a paru d’abord dans la Revue des Deux Mondes. — Éditions : Charpentier, 11 vol. in-18 et 5 vol. in-8 ; Lemerre, 10 vol. in-16, et, depuis 1886, in-4 (t. IX, 1895) ; Correspondance de George Sand et d’Alfred de Musset, Bruxelles, 1904 ; Correspondance d’Alfred de Musset, p. p. L. Séché, 1907 —