Page:Lao-Tseu - Le livre de la voie et de la vertu - traduction Stanislas Julien, 1842.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pensées, sans désirs[1]. C’est dans ce dernier sens que l’on dit au figuré : « marcher, avancer dans le Tao, se rapprocher du Tao, arriver au Tao. »

Il y aurait beaucoup à dire sur la doctrine de l’émanation et sur le retour à l’âme universelle[2], qu’on a cru trouver dans certains passages de Lao-tseu. Je me bornerai à renvoyer les lecteurs à l’ouvrage même, et en particulier au chapitre xlii. Il n’entre pas dans mon plan de rapprocher la doctrine de Lao-tseu de celle de Platon et de ses disciples. Quoique je ne sois pas resté étranger à la philosophie grecque, dont j’aime à lire encore les monuments originaux, je dois laisser aux savants qui se sont voués à l’histoire de la philosophie, le soin de faire cette curieuse et importante comparaison.

Absorbé depuis longtemps par l’étude de la langue et de la littérature chinoises, je craindrais de ne faire qu’effleurer cette question féconde, et de l’affaiblir peut-être en la traitant d’après mes propres idées, sans posséder aujourd’hui toutes les connaissances que, dans ces derniers temps, les progrès de l’esprit humain et le perfectionnement des études philosophiques ont ajoutées au domaine de la science. Les philosophes de profession saisiront sans peine, sous toutes ses faces, cette grande et belle question, et sauront la présenter au public avec tous les

  1. Cf. chap. xviii, xxx, xxxi, xxxii, etc.
  2. Rémusat, Mélanges asiatiques, 1re série, tom. I, pag. 95 : « Ainsi que Pythagore, il regarde les âmes humaines comme des émanations de la substance éthérée qui vont s’y réunir après la mort ; et, de même que Platon, il refuse aux méchants la faculté de rentrer dans l’âme universelle. » Ces réflexions sont évidemment tirées de sa traduction du dernier paragaphe du chapitre xlii (Mémoire, pag. 31, lig. 22 et suiv.) : « Les âmes s’accroissent aux dépens de l’âme universelle, laquelle, à son tour, s’accroît de leurs pertes. Je ne fais qu’enseigner ce que les autres hommes m’ont enseigné. Mais les hommes violents ne jouiront pas d’une telle mort (ils ne se réuniront pas à l’âme universelle). » (Voyez le même passage dans notre traduction, chap. xlii, pag. 158, et les notes 8, 9, pag. 160, 161.)