Page:Lao-Tseu - Le livre de la voie et de la vertu - traduction Stanislas Julien, 1842.djvu/333

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Cette comparaison a pour but de montrer que celui qui usurpe le droit de tuer les hommes, éprouve nécessairement une foule de malheurs. Lao-tseu s’exprime ainsi, dit Lin-hi-i, parce que les princes de son temps aimaient à tuer les hommes.

Li-si-tchaï : Laissez faire le ciel : il envoie le bonheur aux hommes vertueux et le malheur aux méchants. Quoiqu’il agisse en secret, aucun coupable ne peut lui échapper ; mais (B) si vous voulez remplacer le ciel qui préside à la mort, la peine capitale que vous aurez infligée retombera sur vous, et votre cœur sera déchiré de remords.

Sie-hoeï : L’empereur Thaï-tsou-hoang-ti (fondateur de la dynastie des Ming, qui monta sur le trône en 1368) s’exprime ainsi dans sa préface sur le Tao-te-king : Depuis le commencement de mon règne, je n’avais pas encore appris à connaître la voie (la règle de conduite) des sages rois de l’antiquité. J’interrogeai là-dessus les hommes, et tous prétendirent me la montrer. Un jour que j’essayais de parcourir une multitude de livres, je rencontrai le Tao-te-king 道德經. J’en trouvai le style simple et les pensées profondes. Au bout de quelque temps je tombai sur ce passage du texte : « Lorsque le peuple ne craint pas la mort, comment l’effrayer par la menace de la mort ? »

À cette époque-là l’empire ne faisait que commencer à se pacifier ; le peuple était obstiné (dans le mal) et les magistrats étaient corrompus. Quoique chaque matin dix hommes fussent exécutés sur la place publique, le soir il y en avait cent autres qui commettaient les mêmes crimes. Cela ne justifiait-il pas la pensée de Lao-tseu ? Dès ce moment je cessai d’infliger la peine capitale ; je me contentai d’emprisonner les coupables et de leur imposer des corvées. En moins d’un an mon cœur fut soulagé. Je reconnus alors que ce livre est la racine parfaite de toutes choses, le maître sublime des rois et le trésor inestimable des peuples !