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Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/124

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lO8 l’ILE INCONNUE.

                                        Saint-Olaf. 

Quand je me trouve en visite dans une maison anglaise, je me rends compte de tout ce qui nous différencie. C’est énorme. J’ai beau me surveiller, tantôt une parole, une expression, une appréciation trahit ma mentalité et mon tempérament français. C’est comme une fausse note qui éclate dans l’harmonie ambiante, et à ma grande confusion, je l’entends distinctement. Mes hôtes de Saint-Olaf sont heureusement assez cosmopolites pour s’en amuser. En présence des femmes de chambre, je m’observe soigneusement. De par ce snobisme qui existe dans toutes les classes de la nation, les domestiques anglais sont plus rigoristes que leurs maîtres, et pour rien au monde je ne voudrais les choquer. Dans la conversation, je m’interdis naturellement les sujets défendus, mais, il y en a tant chez nos voisins que j’ai grand’peine à les éviter tous et, par une perversité bien humaine, ils tentent sans cesse mon esprit et ma langue. Après la partie de bridge, lorsque madame Baring s’est retirée, Edith, Rodney et moi, nous nous installons dans la bibliothèque. Le jeune homme fume sa pipe, nous, de très innocentes cigarettes et nous causons sans contrainte. C’est le moment le plus agréable de la journée. Ce soir, miss Baring se mit à parler de son séjour à Avranches, la petite ville bon marché où on l’avait envoyée pour étudier le français.

— C’est là que j’ai appris à connaître votre pays 

et à l’aimer, dit-elle. J’étais logée chez la veuve d’un