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Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/126

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110 L'ILE INCONNUE. — Mais vous ne le seriez pas si vous n'aviez une telle peur de manquer de correction. La correction anglaise me fait l'effet de cette tondeuse que le jardinier passe sur vos pelouses. Aussitôt que quelques fleurettes ont l'impertinence de vouloir les émailler, crac ! on leur coupe la tête et les pelouses demeurent unies, implacablement vertes, les yeux s'en lassent, l'ennui naît.

— C'est cela, et nous fuyons ers la chère France pour trouver les fleurettes que nous supprimons chez nous, ajouta miss Baring d'un ton mélancolique. Tenez, j'ai fini par prendre en horreur ces mois de gentleman et de lady que nous avons tout le temps à la bouche.

— Heureusement que madame Baring est couchée, fîs-je très amusée.

— Ne serait-elle pas horrifiée ? dit le frère en riant.

— Oh ! je sais, ce ne sont pas des discours pour des oreilles de mère, répondit mon amie avec cette pointe d'humour qui me divertit toujours.

— A propos de ce mot de gentleman, il me semble que vous l'avez tout à fait adopté. Est-ce que je me trompe ? me demanda Rodney.

— Non. Nous ne le mettons même plus en italique, ce qui prouve qu'il est naturalisé. En réalité, nous n'en avions nul besoin, car notre mot gentilhomme en est l'équivalent ; mais, voilà, il est trop aristocratique pour des républicains, — gentleman est une sorte de compromis et encore ne l'employons-nous que dans le sens moral. Chez vous, il désigne exclusivement l'homme bien né.

— Oui, parce que nous supposons, — à tort sou-