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Page:Laperche - Ile inconnue.djvu/250

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l’île inconnue.

— Nous avons déjà fait un grand pas les uns vers les autres !

— Pourvu que notre bonne entente dure ! ajouta lord Kimble. Avec cette satanée politique…

— Oh ! de grâce, laissons de côté la politique, interrompit madame Winthrop. Faisons un autre rubber plutôt !

Et nous fîmes un autre rubber. Je quittai la table du bridge plus riche de trente shillings. Lord Kimble s’offrit à me reconduire dans son cab et me déposa à l’hôtel Claridge.

Les amis qui m’avaient invitée étaient logés au Carlton et comme ce sont des Américains à qui il faut les meilleures choses, leur table habituelle était admirablement placée. Nous avions devant nous comme une vaste scène de théâtre où acteurs et actrices dînaient par groupes. La chambrée était des plus brillantes. Mon hôtesse avait passé toute la saison à Londres, elle connaissait les hauts personnages qui se trouvaient là pour les avoir vus souvent dans cette même salle. D’une voix respectueuse, avec une satisfaction visible, elle me les nomma. Cette Américaine me faisant les honneurs de ces ducs, comtes et marquis de l’Empire britannique, me parut irrésistiblement drôle. Je commence à saisir le sel de la vie, — le sel que renferment certains faits et je puis rire avec les dieux.

Pour cette parade au restaurant, grands seigneurs, grandes dames, parvenus, millionnaires, avaient mis, comme on dit plaisamment en anglais, leur peinture de guerre. Ce mot qui me vint à l’esprit éveilla ma curiosité et je me pris à détailler la peinture de