Page:Laperche - Noblesse americaine.djvu/466

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quiétait : il ne parlait pas de leur départ. Elle craignait, parfois, qu’au dernier moment, il ne trouvât un prétexte pour rester à Blonay et ne l’expédiât avec les de Keradieu. À chaque instant, elle tâtait le terrain, à la manière des femmes, en lui disant : « Nous ferons ceci ou cela, lorsque nous serons à New-York. » Il répondait invariablement : « Oui, oui, tout ce que vous voudrez », et le ton ne la rassurait qu’à demi. Elle ne comprenait pas que la perspective de voir un pays nouveau — un pays comme l’Amérique — pût le laisser aussi indifférent.

Non, dans ce moment, Jacques ne songeait guère au plaisir d’admirer la baie de New-York, le pont de Brooklyn et les aspects grandioses du Nouveau-Monde.

Il n’avait d’autre désir que de s’agenouiller sur la tombe de Christiane, de se rapprocher d’elle pendant quelques instants. Il y pensait jour et nuit. Il ne serait pas parti sans cela. Il n’osait pas annoncer à sa femme son intention d’aller à Blanzac, et il savait qu’elle serait blessée, si elle apprenait qu’il y avait été en cachette.

La marquise avait eu la sagesse de ne pas faire le silence autour du souvenir de Christiane. Elle en parlait souvent avec sa vieille admiration, comme d’une amie morte. La première fois qu’elle amena son nom dans la conversation, Jacques la regarda avec étonnement, il fut blessé comme par une profanation. Était-elle donc si loin, qu’on osait l’évoquer ainsi ! Les natures simples déconcertent toujours les natures compliquées.

Un soir, que le marquis faisait semblant de lire,