Page:Laperche - Noblesse americaine.djvu/468

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— Ah ! ce qu’il s’en souciait des colis, maintenant ! Elle pouvait bien emporter des centaines de malles, si cela lui plaisait !

— Annie, j’ai été bien égoïste et bien cruel, de vous tenir si longtemps éloignée des vôtres, dit Jacques, non sans un remords sincère.

— N’importe ! interrompit brusquement la jeune femme. J’aurai davantage de plaisir à les revoir. Six années amènent plus de changements en Amérique que vingt en Europe. Ce sera presque un pays nouveau.

— Ah ! vous pouvez vous vanter d’avoir un bon caractère !

— Tous les nuages sont doublés de soleil (every cloud has its silver lining), comme nous disons en anglais, et je ne regarde que leur côté brillant C’est le moyen d’être heureux en ce monde, et de s’y amuser.

— C’est surtout le moyen de rendre les autres heureux, répondit le marquis.

Seule, une Française très supérieure ou très habile aurait pu agir comme Annie, et non sans un effort héroïque. La jeune Américaine, elle, qui ne savait pas combien est dangereuse la tombe toute fraîche d’une rivale, qui ne soupçonnait pas ce que peut être la communion entre les morts et les vivants, eût trouvé ridicule et mesquin de se montrer jalouse de Christiane. Elle était convaincue maintenant, qu’elle avait la meilleure part, cela lui suffisait. Elle pensait que Jacques devait désirer voir la tombe de la duchesse — voir la tombe… sa compréhension n’allait pas au delà. Elle lui avait parlé de cette visite, pour le mettre à l’aise et pour qu’il