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Page:Lapicque - Les Nègres d’Asie et la race nègre en général, paru dans les Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, 1906.djvu/3

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sonnelle. Je vous prie de n’y voir aucun parti pris sommaire ; il y a douze ans que j’ai commencé, sur le terrain, l’étude de ces questions, et c’est peu à peu, par la poussée des faits, que j’ai été amené au point de vue que je vais vous soumettre.

Qu’est-ce qu’un Nègre ? — Posons la notion du nègre dans le sens de la langue courante, du nègre tel qu’il existe dans notre imagination avant toute analyse scientifique.

Nègre, c’est le mot latin Niger ; cela veut dire noir. L’appellation est donc tirée d’un premier caractère, en effet très frappant : la couleur de la peau. Mais en histoire naturelle, il ne faut pas attribuer un trop grand crédit à la coloration. Ne nimis crede colori, disait le fondateur de notre classification des êtres vivants.

Il y a en effet des hommes qui sont noirs, et qui, de prime abord, se distinguent des Nègres ; par exemple, les habitants du Sud de l’Inde, que nous aurons tout à l’heure à examiner. Dans l’impression intuitive que nous essayons de préciser en ce moment, il entre assurément autre chose que la nuance foncée de la peau. Un dessin schématique ou une photographie avec des valeurs totalement faussées, peut évoquer un Nègre par la conformation du visage et l’aspect de la chevelure.

Pour répondre à la notion élémentaire du Nègre, il faut donc, outre la couleur, certains traits et une chevelure particulière.

Cette chevelure caractéristique est crépue ; quand elle est très crépue, on la compare à la laine du mouton. Les cheveux, recourbés en petites spires extrêmement serrées, s’accrochent entre voisins pour former des touffes, ou bien s’emmêlent tous uniformément en une espèce de feutrage. Une telle toison diffère nettement de la chevelure des Européens, même frisés.

Parmi les traits du visage, le plus différent par rapport aux nôtres est la forme du nez, qui est large et plat.

En second lieu, la bouche est saillante, avec des lèvres épaisses, dont la muqueuse se rejoint plus ou moins largement de la supérieure à l’inférieure, empâtant le dessin des commissures. Tout le bas du visage, d’ailleurs, vient en avant, est prognathe ; le terme d’origine savante est passé dans la langue ordinaire pour traduire une observation banale, moins fondamentale pourtant que celle du nez camus.

Un Nègre est donc un homme qui a la peau noire, les cheveux crépus et le nez camus.

Où trouve-t-on des Nègres ? — Pour l’antiquité, où le type que nous venons d’esquisser était nettement perçu et exprimé, le Nègre était l’Africain. La découverte d’un monde plus grand, il y a cinq siècles, a révélé dans des contrées éloignées de l’Afrique de nouveaux Nègres que les voyageurs ont immédiatement reconnus comme tels.

Jetons un coup d’œil sur l’Océan Indien.

C’est un vaste demi-cercle, que l’Équateur traverse à peu près à mi-hauteur ; largement ouvert au Sud, irrégulièrement dentelé, il est borné