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Page:Lapicque - Les Nègres d’Asie et la race nègre en général, paru dans les Bulletins et Mémoires de la Société d’Anthropologie de Paris, 1906.djvu/9

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qui va parfois jusqu’à la nuance chocolat. L’existence de la race noire primitive est démontrée par des témoins peu nombreux, mais très frappants.

C’est aux Philippines qu’on les a trouvés d’abord, et les voyageurs espagnols, dès une époque ancienne, leur ont donné le nom très expressif de Négritos del monte (petits nègres de la montagne).

Un objet de curiosité plus extraordinaire encore fut découvert aux îles dans le golfe du Bengale ; un petit archipel entièrement peuplé de Nègres, entre l’Inde et l’Indo-Chine !

Ici, aux Andamans, c’est une population homogène, pure, si ce mot a un sens en ethnologie, du moins, isolée de toute autre race humaine depuis une époque extrêmement reculée ; elle peut donc avoir conservé le type d’une race fort ancienne.

Or, ces Andamanais sont indiscutablement des Nègres ; qu’on en présente un spécimen quelconque à un naturaliste érudit ou à un simple matelot ayant touché les ports d’Afrique, le premier coup d’œil amènera la même réponse : « C’est un Nègre. »

Ils ont la peau parfaitement noire, les cheveux crépus au maximum, et le visage camard.

Ils sont peu ou point prognathes, il est vrai, et ils se distinguent en outre, par les deux caractères suivants :

1o Ils sont petits ; 1 m.50 pour les hommes, 1 m.40 pour les femmes, voilà en chiffre rond les moyennes de mes mensurations qui concordent au centimètre près avec celles des autres auteurs. Les nègres africains ou océaniens sont en général grands.

2o Ils sont sous-brachycéphales ; les nègres africains ou océaniens sont en général franchement dolichocéphales[1].

Ce dernier caractère n’intervient dans l’apparence extérieure que d’une façon presque insaisissable ; il n’est guère révélé que par les mesures, et constitue, par suite, un caractère que l’on peut appeler abstrait. Mais on lui fait jouer un rôle de premier ordre dans les classifications anthropologiques.

Considérant donc la sous-brachycéphalie et la petite taille commune aux Andamanais, et aux Negritos des Philippines, les auteurs ont créé une section spéciale dans les races noires pour ces deux groupes humains, et en ont constitué, sous le nom générique de Negritos une race opposée aux nègres d’Afrique d’une part et aux Papous de l’autre.

  1. Le crâne humain, vu par en haut, dessine un ovale plus ou moins allongé ; on peut exprimer avec précision l’allongement de cet ovale en comparant sa longueur à sa largeur. Il existe une nomenclature qui répartit en catégories les crânes déterminés à ce point de vue. Quand la largeur est moindre que les trois quarts de la longueur (75 centièmes), on dit que le crâne est dolichocéphale ; quand elle dépasse les cinq-sixièmes (83 centièmes), on dit que le crâne est brachycéphale. Le rapport ou indice crânien horizontal atteint pour les Andamanais en moyenne 82 centièmes : une série de nègres d’Afrique a donné 72 ; une série de Papous, 71.