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La notion de Négrito ainsi comprise doit être rapportée à Crawfurd (1848). Aux deux témoins ci-dessus désignés, Crawfurd en ajoutait un troisième, situé entre les deux premiers, la péninsule malaise. Il avait vu, sur la côte, un jeune garçon provenant de l’intérieur, et qui, dit-il, ressemblait exactement aux Andamanais. Un de ses amis avait vu aussi un sauvage de la même région, et qui était « un vrai Nègre, mais avec une taille de 4 pieds 9 pouces seulement, bien qu’il fût adulte. »

En 1893, on n’avait recueilli encore que des données fragmentaires et assez confuses sur ces petits Nègres de la péninsule, lorsque je réussis à en visiter deux tribus bien caractérisées. Les Méniks de la haute vallée du Perak sont brun foncé, camus et crépus ; leur indice céphalique moyen est 79. Mes observations confirmèrent la conception du Négrito, car cette station intermédiaire, une fois bien établie, montre que toute la région doit avoir été peuplée par les ancêtres de ces petits noirs[1].

En effet, partout où on trouve les témoins actuels, ils apparaissent nettement comme la population la plus ancienne, autochtone, si l’on veut bien prendre ce mot dans un sens relatif. C’est ce que démontre leur situation, tant sociale que topographique, par rapport à leurs voisins.

Nègres de l’Inde. — Dravidiens et prédavidiens. — L’Inde est aussi une péninsule rattachée à l’Asie depuis une époque géologique récente, par les alluvions du Gange et de l’Indus. Au Nord de ces alluvions se dresse l’Himalaya qui ferme d’une muraille quasi infranchissable les communications avec le continent.

D’autre part, sa structure est dessinée à grands traits simples ; elle présente de vastes plaines, large plateau de faible altitude ; elle n’a de montagnes un peu élevées que deux petits massifs accouplés vers la pointe sud ; elle n’a d’annexe insulaire notable que Ceylan.

L’Inde, dépendance adventice de l’Asie, est donc une région naturelle, à la fois bien distincte et relativement homogène.

Cette région est habitée par une population très nombreuse, 200 millions d’individus en chiffres ronds, qu’il faut nécessairement considérer dans son ensemble, car d’un bout à l’autre, les divers éléments qui la composent ont réagi les uns sur les autres. Néanmoins, tout le monde admet que c’est une population mixte ; car ici la masse réagissante est tellement grande qu’aux deux extrémités, malgré une pénétration réciproque très ancienne, se sont maintenues deux apparences physiques impossibles à confondre. Et puis, tout ce qui se révèle aux savants qui étudient l’humanité dans les documents écrits, la philologie, les traditions, l’histoire, montrent des premiers occupants et des envahisseurs.

  1. La race Negrito et sa distribution géographique, Annales de géographie, Paris, 15 juillet 1896. Dans ce mémoire, sous l’influence des doctrines classiques et notamment des écrits de Quatrefages, et n’ayant pas encore analysé comme je vais le faire les proportions du corps et des membres, je m’étais beaucoup exagéré la différenciation, des Negritos par rapport aux autres Nègres.