Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 7.djvu/111

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La probabilité que l’opinion de chaque juge est juste entre comme élément principal dans ce calcul. Cette probabilité est évidemment relative à chaque affaire. Si, dans un tribunal de mille et un juges, cinq cent un sont d’une opinion et cinq cents sont de l’opinion contraire, il est visible que la probabilité de l’opinion de chaque juge surpasse bien peu  ; car, en la supposant sensiblement plus grande, une seule voix de différence serait un événement invraisemblable. Mais, si les juges sont unanimes, cela indique dans les preuves ce degré de force qui entraîne la conviction ; la probabilité de l’opinion de chaque juge est donc alors très près de l’unité ou de la certitude, à moins que des passions ou des préjugés communs n’égarent à la fois tous les juges. Hors de ces cas, le rapport des voix pour ou contre l’accusé doit seul déterminer cette probabilité. Je suppose ainsi qu’elle peut varier depuis jusqu’à l’unité, mais qu’elle ne peut être au-dessous de . Si cela n’était pas, la décision du tribunal serait insignifiante comme le sort ; elle n’a de valeur qu’au tant que l’opinion du juge a plus de tendance à la vérité qu’à l’erreur. C’est ensuite par le rapport des nombres de voix favorables et contraires à l’accusé que je détermine la probabilité de cette opinion.

Ces données suffisent pour avoir l’expression générale de la probabilité que la décision d’un tribunal, jugeant à une majorité connue, est juste. Dans les tribunaux où, sur huit juges, cinq voix seraient nécessaires pour la condamnation d’un accusé, la probabilité de l’erreur à craindre sur la justesse de la décision surpasserait . Si le tribunal était réduit à six membres qui ne pourraient condamner qu’à la pluralité de quatre voix, la probabilité de l’erreur à craindre serait au-dessous de  ; il y aurait donc pour l’accusé un avantage à cette réduction du tribunal. Dans l’un et l’autre cas, la majorité exigée est la même et égale à deux. Ainsi, cette majorité demeurant constante, la probabilité de l’erreur augmente avec le nombre des juges ; cela est général, quelle que soit la majorité requise, pourvu qu’elle reste la même. En prenant donc pour règle le rapport arithmétique, l’accusé se trouve dans une position de moins en moins avantageuse, à mesure que le