Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 7.djvu/117

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vérole, d’abord par l’inoculation de cette maladie, ensuite d’une manière beaucoup plus avantageuse, par l’inoculation de la vaccine, découverte inestimable de Jenner, qui par là s’est rendu l’un des plus grands bienfaiteurs de l’humanité.

La petite vérole a cela de particulier, savoir, que le même individu n’en est pas deux fois atteint, ou du moins ce cas est si rare que l’on peut en faire abstraction dans le calcul. Cette maladie, à laquelle peu de monde échappait avant la découverte de la vaccine, est souvent mortelle et fait périr un septième environ de ceux qu’elle attaque. Quelquefois elle est bénigne, et l’expérience a fait connaître qu’on lui donnait ce dernier caractère en l’inoculant sur des personnes saines, préparées par un bon régime, et dans une saison favorable. Alors le rapport des individus qu’elle fait périr aux inoculés n’est pas un trois centième. Ce grand avantage de l’inoculation, joint à ceux de ne point altérer la beauté et de préserver des suites fâcheuses que la petite vérole naturelle entraîne souvent après elle, la fit adopter par un grand nombre de personnes. Sa pratique fut vivement recommandée ; mais, ce qui arrive presque toujours dans les choses sujettes à des inconvénients, elle fut vivement combattue. Au milieu de cette dispute, Daniel Bernoulli se proposa de soumettre au Calcul des probabilités l’influence de l’inoculation sur la durée moyenne de la vie. Manquant de données précises sur la mortalité produite par la petite vérole aux divers âges de la vie, il supposa que le danger d’avoir cette maladie et celui d’en périr sont les mêmes à tout âge. Au moyen de ces suppositions, il parvint, par une analyse délicate, à convertir une Table ordinaire de mortalité, dans celles qui auraient lieu si la petite vérole n’existait pas ou si elle ne faisait périr qu’un très petit nombre de malades, et il en conclut que l’inoculation augmenterait de trois ans au moins la durée moyenne de la vie, ce qui lui parut mettre hors doute l’avantage de cette opération. D’Alembert attaqua l’analyse de Bernoulli, d’abord sur l’incertitude de ses deux hypothèses, ensuite sur son insuffisance en ce que l’on n’y faisait point entrer la comparaison du danger prochain, quoique très petit, de périr par l’inoculation, au