Page:Laplace - Œuvres complètes, Gauthier-Villars, 1878, tome 7.djvu/118

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danger beaucoup plus grand, mais plus éloigné, de succomber à la petite vérole naturelle. Cette considération, qui disparaît lorsque l’on considère un grand nombre d’individus, est par là indifférente aux gouvernements, et laisse subsister pour eux les avantages de l’inoculation ; mais elle est d’un grand poids pour un père de famille qui doit craindre, en faisant inoculer ses enfants, de voir bientôt périr ce qu’il a de plus cher au monde et d’en être cause. Beaucoup de parents étaient retenus par cette crainte, que la découverte de la vaccine a heureusement dissipée. Par un de ces mystères que la nature nous offre si fréquemment, le vaccin est un préservatif de la petite vérole, aussi sûr que le virus variolique, et il n’a aucun danger ; il n’expose à aucune maladie et ne demande que très peu de soins. Aussi sa pratique s’est elle promptement répandue, et, pour la rendre universelle, il ne reste plus à vaincre que l’inertie naturelle du peuple, contre laquelle il faut lutter sans cesse, même lorsqu’il s’agit de ses plus chers intérêts.

Le moyen le plus simple de calculer l’avantage que produirait l’extinction d’une maladie consiste à déterminer par l’observation le nombre d’individus d’un âge donné qu’elle fait périr chaque année, et à le retrancher du nombre des morts au même âge. Le rapport de la différence au nombre total d’individus de l’âge donné serait la probabilité de périr dans l’année, à cet âge, si la maladie n’existait pas. En faisant donc une somme de ces probabilités depuis la naissance jusqu’à un âge quelconque, et retranchant cette somme de l’unité, le reste sera la probabilité de vivre jusqu’à cet âge, correspondante à l’extinction de la maladie. La série de ces probabilités sera la Table de mortalité, relative à cette hypothèse, et l’on en conclura, par ce qui précède, la durée moyenne de la vie. C’est ainsi que Duvillard a trouvé que l’accroissement de la durée moyenne de la vie, dû à l’inoculation de la vaccine, est de trois ans au moins. Un accroissement aussi considérable en produirait un fort grand dans la population, si d’ailleurs elle n’était pas restreinte par la diminution relative des subsistances.

C’est principalement par le défaut des subsistances que la marche