IXe principeDans une série d’événements probables, dont les uns produisent un bien et les autres une perte, on aura l’avantage qui en résulte, en faisant une somme des produits de la probabilité de chaque événement favorable par le bien qu’il procure, et en retranchant de cette somme celle des produits de la probabilité de chaque événement défavorable par la perte qui y est attachée. Si la seconde somme l’emporte sur la première, le bénéfice devient perte, et l’espérance se change en crainte. On doit toujours, dans la conduite de la vie, faire en sorte d’égaler au moins le produit du bien que l’on espère par sa probabilité, au produit semblable relatif à la perte. Mais il est nécessaire, pour y parvenir, d’apprécier exactement les avantages, les pertes et leurs probabilités respectives. Il faut pour cela une grande justesse d’esprit, un tact délicat et une grande expérience des choses ; il faut savoir se garantir des préjugés, des illusions de la crainte et de l’espérance, et de ces fausses idées de fortune et de bonheur, dont la plupart des hommes bercent leur amour-propre.
L’application des principes précédents à la question suivante a beaucoup exercé les géomètres. Paul joue à croix ou pile, avec la condition de recevoir 2fr s’il amène croix au premier coup, 4fr s’il ne l’amène qu’au second ; 8fr s’il ne l’amène qu’au troisième, et ainsi de suite. Sa mise au jeu doit être, par le huitième principe, égale au nombre des coups ; en sorte que si la partie continue à l’infini, la mise doit être infinie. Cependant, aucun homme raisonnable ne voudrait exposer à ce jeu une somme même modique, 50fr par exemple. D’où vient cette différence entre le résultat du calcul et l’indication du sens commun ? On reconnut bientôt qu’elle tenait à ce que l’avantage moral qu’un bien nous procure n’est pas proportionnel à ce bien, et qu’il dépend de mille circonstances souvent très difficiles à définir, mais dont la plus générale et la plus importante est celle de la fortune. En effet, il est visible que 1fr a beaucoup plus de prix pour celui qui n’en a que looque pour un millionnaire. On doit donc distinguer, dans le bien espéré, sa valeur absolue de sa valeur relative : celle-ci se règle sur les motifs qui le font désirer, au lieu que la première en est indépendante. On