Page:Laplace - Essai philosophique sur les probabilités.djvu/156

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
148
essai philosophique

même face. Si nous avions été nous-mêmes spectateurs de cet évènement, nous n’en croirions nos propres yeux qu’après en avoir scrupuleusement examiné toutes les circonstances, et après en avoir rendu d’autres yeux témoins, pour être bien sûrs qu’il n’y a eu ni hallucination ni prestige. Mais après cet examen, nous ne balancerions point à l’admettre, malgré son extrême invraisemblance ; et personne ne serait tenté, pour l’expliquer, de recourir à un renversement des lois de la vision. Nous devons en conclure que la probabilité de la constance des lois de la nature est pour nous supérieure à celle que l’évènement dont il s’agit ne doit point avoir lieu, probabilité supérieure elle-même à celle de la plupart des faits historiques que nous regardons comme incontestables. On peut juger par là du poids immense de témoignages nécessaire pour admettre une suspension des lois naturelles, et combien il serait abusif d’appliquer à ce cas les règles ordinaires de la critique. Tous ceux qui, sans offrir cette immensité de témoignages, étayent ce qu’ils avancent de récits d’évènemens contraires à ces lois, affaiblissent plutôt qu’ils n’augmentent la croyance qu’ils cherchent à inspirer ; car alors ces récits rendent très probable l’erreur ou le mensonge de leurs auteurs. Mais ce qui diminue la croyance